Tangguift ou « les chants de mariage » chez les Ichelhyins de Taghjijt*.
Akki-d nezzwur ay isem n Rebbi
Abismi besmi llah urraHeman rraHim
Kan izwar uduku n merrakech ilHzamin
Innaten ubnnay ibnnan timesray
Innaten umHdar ad yusin lqlem s talluHt*
Innaten umHdar ad n ibdan gh talluHt .
Commençant par le nom de Dieu
Au nom de Dieu le clément et le miséricordieux :
Prélude de l'artisan des babouches de Marrakech
Prélude de maçon qui construit les salons
Prélude de l'étudiant qui prend son stylo pour écrire
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zayd aylli adam ifteH rebbi
sidi Hemad umusa gid adar zewuragh
gid adar zwuragh gid afus zwuragh
alalla fatima kmmin d saydna 3li
kmmin d saydna 3li kamu ikfa Rebbi zin
Bon courage ma fille
O Sidi Hmad Ou Moussa* guide-nous
Montre-nous le chemin je te suis
O Lalla Fatima* toi et notre « maître » Ali*
Dieu, vous adonnés la beauté
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immanw amma taHeninit gigh helli darem
ajjig n remman ibsan iddu Dren
illiHenna talHbaqt ijjan
i3lan illan gh uflla
O ma mère, j'étais pour toi;
La fleure de la grenadine qui tombe
O ma fille tu es comme une bonne basilique
Qui est grande et supérieure !
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aSSalHin ula lawliyya tas3d n illi
aSSalHin ula lawliyya ka sa n-zigiz
alacheyakh n darnegh rewaHt ukan ad nmun
ala 3nayt tattuy tellan gh uflla n rekab
anchawr mulay bayyi ma yinna bu rekab
rebbi adaneghed igan tghawsanegh darun
tghawsanegh tinnun, taghawsannun ti n Rebbi
O les pieux et les saints, le bonheur pour ma fille
Les pieux et les saints qui nous guide.
O les saints de mon village compagnes-moi
La protection est sur la selle d'un chevale
On demande au mari, le chevalier, qui-ce qu'il pense
Dieu l'a ainsi décidé que notre fille sera dans votre maison
Notre fille est la votre est ainsi celle de Dieu
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annigh tigidarad nnrgh timmit ayad
abark llah atigidar nayt- darnegh
lkmeghed ilmma tiwghza linw;
gh rebban aytma tajda3in.
J'ai vu cette maison je me suis dis à qui elle appartiens?
Oh !! C'est à nous alliés
Et je suis arrivé à mes champs,
Là où mes frères sont élevés les poulains.
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sligh ilmluk ignewan zayd balak
aglid rayzri dar wayyaD ra yiSreSa.
J'ai entende les rois des cieux disaient :
La famille de la marie va passer chez le mari
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immiHenna wuli maf nezigh?
Arraw n tajda3in ka yinzzan,
Ismegan ignawn ka yinzzan.
Oh! Ma mère bien aimée, pourquoi vous m'avez vendu?
Tu n'est pas un chevale pour être vendue
Tu n'es pas une esclave pour être vendue
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rewaHt-ak an nag asaghar;
is ibsa ujig lli gis?
Igh ibsa tizewa ad isawal,
Nkkin ijlan nekef idrareni
Isagh laH luDa d uzaghar
Venu voir la plaine
Est-ce que la fleure est poussé ?
S'elle a poussé se sera pour les abeilles
Oh ! Moi je suis perdu dans les montagnes, pourquoi ??!!!
Et y'a des plaines partout.
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imdgiwn n rebbi Dif llah tilHbaqqin
slam 3likum awid nufa
gh imi ugadir ad nez3em nit
Oh nous alliées on vous demande de nous accueillir
Le salut à tous ceux qui sont là,
A coté de la maison, on a rien à craindre.
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brkamt atis3diyyin
annigh nit mrHeba idrusanegh
igh idrus nezayd wayyaD
bienvenu nos alliées
O alliées! Êtes-vous réticents à nos accueillir
Si l'accueil n'est pas à la hauteur, nous ferons mieux.
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id is ur tfreHmet ad urrigh
ullah ar nfreH itjanat (tislit)
mani ikka uDggal urd yuggi?
Arawn itssu tigDifin
Ghid-laStewan zuzwanin
AHanu yad aHanu iylli
Isus3at rebbi d wallit ibnan
Magha tagulen sa Tleba tilwaH
AHanu yad aHanu iylli
Ur yad igi wi n tuchreka
Righ at ik baba kint aytema
Oh! Alliées si vous êtes pas contentes on rentre chez nous
Je vous le jure qu'on y trop contentes pour notre mariée
Le beau père, on ne l'a pas encore vu passer
Il est parti dérouler les tapis,
Dans les grands salons bien climatisés
Cette chambre est celle de ma fille,
Elle est très large grâce a Dieu et le maçon.
Cette largeur permettra aux six étudiant du Coron pour accrocher leurs planchettes.
Cette chambre est celle de ma fille
Qui n'est plus pour personne
Je veux qui elle soit visitée par mon père et mes frères.
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SsifeD atagh ayiDuan negh
SsifeD atagh ya gug ugharas
Neflen tazzanin kullu meZZiynin
Nflen ak lHsen d lHusayn
O alliées, laissez-nous partir
Laissez-nous partir, notre chemin est long.
De jeunes enfants attendent à la maison,
Ainsi que Lahcen et Lahoucine*.
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inna yam babam ata3ryyalt
tisuranw aylli magh llant?
tisura n baba ur tnet zrigh
iggi la3dubat agh nit llant
Ton père t'appelle et te demande :
Ou sont mes clefs ma fille ?
Je les y pas sur moi père !
Les clefs sont justes sur les portes.
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kfatas reDa nnun alwalidin
tdit aylli adam ifteH Rebbi.
Oh parents bénissez votre fille
Courage ma fille que Dieu te bénisse
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ayangud n sreHan awyat i-Rebbi chur
O cheval, marche doucement
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agwzd ayayyur ghiDaD akwn righ
anghmu iylli tiDuDin lins
sa tbessa lHbaq gh izreza waman
lizar ur lsigh ghiDaD iHreg-it
aduku ur qinegh ghiDaD ibbi nit
O la lune descende c'est aujourd'hui que j'ai besoin de toi
Pour mettre de henné sur les doits de ma fille.
Avec les quelles elle plante la basilique
Les vêtements que j'ai pas met ce soir je veux qu'ils soit cramer
Les chaussures qui j'ai pas pris ce soir je veux qui elles soit couper
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aymma ktid awr tremit
igh n-luH taggatin gh usarag
3meda mas madasen sul innan?
Nikred aTTuDDat had aman reghan.
O ma mère pense a moi,
Quand je pose mon fagot de bois
O ma mère qui viendra te dire :
Lève toi c'est l'heure des ablutions, l'eau est chauffé.
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breH s ubrraH kra mu chigh,
tameghrans ad achkin s ti yilli.
Gma Henna ayad ighran iynna
Righ ayyi tbidemt ayistema
Nbddak ibddak mulana
Ula muHemed aywis iymmi
Appeler fort à tous ceux qui m'invitaient a leurs mariages
Qu'ils viennent ainsi au mariage à ma fille.
Mon frère appel, il a dit :
O mes sœurs je veux que vous m'aidez.
O notre frère Dieu et nous on va t'aider,
Ainsi que le Prophète Mohammed.
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inas igmam aykrez immuddu
illi tHurra tusi tigwmmins
smdudi Snadiq aya3yyal
ayrDu ismeg ula tawayya
Dit à ton frère qu'il a rien a craindre ?
Il peux partire aux champs et voyager
Car ma fille est courageuse et responsable.
O le jeune homme fait bouger les coffres,
Pour que les esclaves soient contents.
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aggwamed aggwamed a-tilli nanin
ur iTTaf baba yat ultmas
atzrimt azar ur yuf l3ar
O les femmes regardez, vous qui croyaient
Que mon père n'a pas de sœur,
Vous allez voir toute sa famille
Le texte que je présente ici est « tangguift » de aît Tghejijt. Tangguift c'est les rituels de mariage. Le mariage chez les chleuhs comme d'ailleurs à tout le Maghreb, est un carrefour de valeurs sociales, juridiques, affectives et morales. C'est un jour que tout le monde attend au moins une seule fois dans sa vie. « Le mariage devient une institution juridique réelle, surtout si la femme est soumise aux opérations d'échanges. Le mariage est une obligation pour tout homme et le destin inévitable de toute femme, vu que la force de la communauté tribale repose sur la famille. »1
Avant de commencer à commenter ce texte, il faut rappeler que la coutume berbère réserve une grande place pour la femme au sein de la société amazigh.
La femme en tamazight se dit : « tamghart » c'est-à-dire la cheftaine. Le mot tamghart vient de mot amghar qui est le délégué ou le chef de la tribu.
En cas de divorce, la coutume berbère donne le droit à la femme de partager la maison avec son mari. Surtout si elle a aidé à la construction de la maison. Ce que l'on trouve dans le droit coutumier, dans la région de Souss sous le nom de tamazzalt, qui consiste dans la répartition entre les époux des biens acquis durant la période du mariage.
« Ce qui est indéniable par contre, c'est que le mariage chleuh est une société de production égalitaire, où chacun ayant droit, femme comprise, apporte son capital et son travail. Le capital de la femme, c'est le jihaz*, et sa part d'acquêts la tizzla*. Rien de pareil en pays arabe. »2
Il est vrai que la loi de tamazzalt on ne le trouve pas dans aucun pays arabe. Même dans la Chariaa. Et la nouvelle moudawwan marocaine vient d'appliquée cette loi dans le nouveau code de la famille au Maroc.
Lyautey n'a pas manqué l'occasion de parler de son admiration de la coutume amazigh, et la démocratie chez les imazighen. « Ce que caractérise une civilisation berbère c'est l'esprit démocratique et municipal, tout un ensemble de coutumes, enfin et surtout, l'usage de la langue berbère.»3
On a bien dit que le mariage chez les chleuhs, est un carrefour de valeurs sociales, la première de ses valeurs est l'honneur. « La femme amazigh comme d'ailleurs toutes les femmes méditerranéennes est intimement liée à la notion subjective de l'honneur. »4 Plusieurs passages dans le texte nous montre clairement l'importance de l'honneur chez les amazigh surtout la nuit de noce. On trouve dans le texte la question que le père de la mariée à poser à sa fille la nuit de son mariage en disant : « tisuranw aylli magh llant? »(Ou sont mes clefs ma fille ?), Il veut dire est-ce que tu as protégé notre honneur ?
Il faut noter aussi que le texte n'est pas oublié n'en plus la religion, d'ailleurs tangguift commence par le nom de Dieu, la protection de Dieu et celle du Prophète Mohammed. Mais ce qu'il faut noter surtout c'est l'influence de chiisme dans la société amazigh, dans le texte on a parlé de Ali « l'imam chiite » qui était le troisième calife parmi les quatre califes bien guidés « al-khulafa' arrachidin », et le père de Hassan et Lahoucine. On parle ainsi de Fatima qui est la femme à Ali.
Dans le texte on trouve beaucoup de passage qui parlent du culte des saints ou le maraboutisme « attaqarrubu ila l-awliyya wa l-aDriha ». on cite « sidi Hemad umusa gid adar zewuragh », « aSSalHin ula lawliyya tas3d n illi » « aSSalHin ula lawliyya ka sa n-zigiz », « alacheyakh n darnegh rewaHt ukan ad nmun ».
* Taghjijt est une oasis à 200km au sud d'Agadir. Entre Bouizakaren et Tata.
* tilwaH : pluriel de talluHt il s'agit d'une planchette en bois sur laquelle l'étudiant de l'école coranique calligraphié les versés coranique pour la prendre par cœur.
* Sidi Hmad umusa : un célèbre saint du sud-marocain du Tazreoult à coté de Tafraout.
* Lalla fatima : Fatima Zahra la fille de Prophète Mohammed qui est la femme à Ali B. Abi Talib.
* Ali : le troisième « Kalifs Rachidites » les califes bien guidés. L'imam spirituel des chiites.
* Lahcen et Lahoucine : Lahcen c'est la déviation de Hassan. Donc il s'agit de deux fils de Ali b. abi Talib.
1-BEN CHIKH Amina, « La femme amazigh entre le droit coutumier et la modawana », Journal le Monde Amazigh, N 55, Rabat, 15 décembre 2004.
* jihaz : apport des biens propres de la mariée dans la communauté.
* tizla : tamazzalt, la dévouée.
2- BERQUE Jacques, Structures sociales du Haut-atlas, Presses universitaires de France, Paris, 1955. P 344.
3- LAFUENTE Gilles, La politique berbère de la France et le nationalisme marocain, L'harmattan, Paris, 1999. P 19.
4- BEN CHIKH Amina, « la femme amazigh entre le droit coutumier et la modawana », Journal le Monde Amazigh, N 55, Rabat, 15 décembre 2004.
J'ai recueilli ce texte « tangguift », en été 2006, récité par ma grand-mère à Id-bellahmou Taghjijt.
OUTACHFIT Lahoucine
www.tamaynut.skyblog.com