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Les Amazighs, comme tout les peuples du monde, avaient besoin d'un calendrier pour gérer le temps et organiser leur vie. Au Maroc, on enregistre la présence de quatre calendriers. Le calendrier amazigh ou agricole qui est solaire, le calendrier hébraïque (pour les Juifs marocains), il est à la fois lunaire et solaire, le calendrier Grégorien qui est solaire et enfin le calendrier hégire (arabo-musulman) qui est lunaire. Notre intervention sera consacrée au premier calendrier nommé avant, calendrier agricole et on le nomme aujourd'hui calendrier amazigh. Si les autres calendriers ont été l'objet de plusieurs études, le calendrier amazigh soufre de l'absence d’études scientifiques et approfondie. Tout ce qu'on possède aujourd'hui est préservé dans la littérature orale transmise par les Amazighs de père au fils.
La première question qui se pose est sur l'origine de ce calendrier et trois hypothèses s'imposent :
- L'origine locale (amazighe).
- L'origine égyptienne (pharaonique).
- L'origine romaine.
Selon Mohammed Hamam, ancien directeur du Centre des études historiques et d'environnement à l'Ircam (Institut royal de la culture amazighe), les sources grecques n'ont rien signalé à propos de ce calendrier. Mais il suppose que le calendrier égyptien, composé de 365 et 1/4 du jour et date de plus de 5000 ans avant notre ère, cité par les sources grecques peut être d'origine berbère avec qui les anciens égyptiens entretenaient des relations historiques. Il ajoute les sources arabes, peut être pour des raisons idéologiquo-religieuses, ont ignoré la présence de ce calendrier malgré la présence de toute une discipline qui s'intéresse aux temps et au calendriers connue sous le nom de "Al-anwa". D'après le même chercheur, le premier écrivain arabe qui a signalé ce calendrier est "Abi Hamed Al-gharnati (mort en 1169). Ce dernier, dans un ouvrage intitulé "Al mu3rib 3an ba3d 3aja'ib Al-Maghrib" nous donne deux données contradictoires. Dans un passage il précise que le premier mois chez les Amazighs est septembre tandis que dans un autre endroit il lance le mois d'octobre comme premier mois.
La deuxième hypothèse consiste à supposer l'origine romaine de ce calendrier. L'utilisation des mêmes mots latins pour désigner les mois amazighs (Ex: yennayer, vient de Janiarius et a donné janvier) soutient cette hypothèse. Et historiquement, la présence des Romains pendant VI siècles en Afrique du Nord, n'a pas besoin à prouver. De même les relations étroites qu'ils avaient entretenues avec les Amazighs, sans oublier la politique de romanisation menée par Rome, malgré ses limites, consolident cette hypothèse. D'après Nedjma Plantade lors d'une conférence à Paris organisée par l'association Tamazgha, cette hypothèse ne tient pas vu l'absence de documents historiques qui la confirme. Deux autres hypothèses essayent d'expliquer l'origine de ces mots des mois. Premièrement, l'origine "Copte"'(Egypte), avancée depuis les années 1950 par l'ethnologue Jean Servier. Et enfin l'origine andalouse qui reste à ne pas écarter. Selon Nedjma Plandat, les Amazighs, au moyen âge, étaient en contact avec des textes d'agronomes espagnole, notamment andalous.
Toutes les hypothèses avancées, concernant l'origine étrangère du calendrier amazigh, malgré son importance, perdent de crédibilité si on prend en compte les problèmes de l'historiographie amazighe. La tendance dominante consiste à chercher l'origine de tous ce qui est amazigh, (langue ou habitants...) en dehors du pays des Amazigh, l'Afrique du Nord. Cela nous oblige à être vigilants envers ces hypothèses et chercher à prouver l'origine amazighe de ce calendrier sans écarter, bien évidement, l'importance des échanges et de l'interculturel que l'Afrique du nord a toujours entretenu avec son environnement africain et méditerranée. Le silence de différentes sources grecques et arabes sur ce calendrier nous pousse à s'appuyer sur les sources orales et sur le rituel, encor vivant, qui accompagne la célébration de chaque nouvel an amazigh jusqu'aujourd'hui. Avant de traiter Yennayer, comme célébration du nouvel an, il me parait important de jeter un coup d'œil sur la notion du temps chez les Amazighs et le lexique utilisé pour nommer les différents moments.
Les Amazighs ont nommé les jours, les mois et ont devisé l'année en saisons.
Pour les jours, malheureusement, on ne garde aucun nom des jours. Tous les groupes berbérophones font recours aux emprunts comme Letnin, tlata, larb3a, lkhmis, ljam3, sebt, lhed, avec des petits changements selon les caractéristiques phonétiques de chaque parler. Pour le rifain, l'alphabet "r"(roulant) place le "l". On entend donc (Rtnin, trata...), et pour le touareg, les chevas sont largement présents et on entend, alatnin, attalata, annarb3... ou le petit changement au niveau du classement des phonèmes pour tachlhit, mais dans un seul cas, le mercredi, dit en arabe "alarbi3a", et prononcé en tachlhit "l3arba". Au début des années 1990, avec le boom associatif amazigh au Maroc, et la montée de la conscience identitaire amazighe on assiste à l'émergence d'autres termes pour remplacer les emprunts arabes. Il s'agit de "Arim":lundi, "Aram":mardi, "Ahad":mercredi, "Amuhad":jeudi, "Sam":vendredi, "Sad":samedi et "Achur": dimanche. Jusqu'à présent, je n'ai aucune connaissance sur l'origine de cette terminologie, qui est remplacée ultérieurement par "Aynas pour dire lundi, "Asinas" pour mardi, "Akras" pour mercredi.... Cette nouvelle terminologue s'inspire de l'idée qui consiste à expliquer le terme "yanayer" pour dire janvier, comme terme amazigh qui se compose de deux morphèmes: "yan", qui veut dire "un" en amazighe et "ayer", qui veut dire le mois. Les deux termes en commun donnent le sens de "premier mois". "Aynas" comme nouveau terme suit la même logique. "Ayn", est dérivé de "Yan" et "ass" est le terme utilisé pour désigner le jour. La combinaison des deux ne donne le sens de "premier jour". En suivant la même logique on a inventé le deuxième jour, "Asinas" pour mardi, et pour mercredi "Akras" etc.
La langue amazighe (variante tachlhit) possède un lexique riche pour désigner les différentes parties de la journée. Elles sont nommées selon la position du soleil ou selon la prière qui convient. "Aghwllay n tafukt" c'est le lever de soleil, juste après c'est "tayyilgi" pour désigner "l'aube". Le terme "tamdellst", qui est dérivé de "tillas": obscurité" désigne les premièrs moments de la journée où la lumière et l'obscurité sont mélangées. Le mot "ssubh", (ou Awjim) désigne la première prière tandis que "tizwaren", désigne à la fois la deuxième prière mais aussi un moment de la journée, vers 13h. Le terme "Imrzi n wass"[6] est utilisé pour définir la moitié de la journée (midi). Il est issu du verbe "Rz", avec un "z" emphatique qui veut dire casser et avec le mot "ass", les deux donne littéralement "le moment de la casse de la journée". Juste après, le terme "tagrigawt", désigne le moment de retour des troupeaux du pâturage. L'après midi c'est "tazdwit" d'où dérive le terme "wazdwit pour désigner le goûté. C'est le moment aussi de "takwzin", le nom de la troisième prière. "tiwutchi", est le nom de la quatrième prières. Il est lié au coucher de soleil qu'on désigne aussi par " Rwah n tafukt". "tiwutchi" se compose de deux mots. "Tin" qui veut dire "celle de", et "Utchi" qui veut dire "la nourriture" et la combinaison des deux termes donne le sens de "celle de la nourriture"; il coïncide presque au moment de dîner. Le terme "Id" est commun entre tous les parlers amazighs pour dire la nuit, par rapport à "Azal" pour nommer le jour. "Ass", c'est toute la journée (jour et nui, 24h). Et enfin, "tiyyids", le nom de la cinquième prières. Il est composé de "tin" celle de et "ids" sommeil, il veut dire "celle du sommeil". La semaine est nommé "Imalas", le mois est désigné par le terme "ayyur" qui veut dire à la fois la lune et aussi le mois et bien évidement asggwas pour nommer l'année. Le siècle est désigné par le terme "Tasut".
Actuellement, l'année amazighe se compose aussi de 12 mois. Les mois portent les mêmes noms ou avec quelques petites modifications que l'année grégorienne comme innayer, brayr, mars, abril, mayu, yunuyu, yulyuz, ghuct, cutanbir, ktober, nwanbir, dujanbir. Le sens "militant" qui anime quelques activistes les pousse à s'efforcer pour trouver l'origine amazighe de ces termes. Sur Internet, on peut lire un article de Mmis n Atlas, Zayan Mostapha, Ce dernier mena un effort considérable pour trouver l'origine amazighe des noms des mois utilisés en Afrique du nord. Selon son explication, le terme "ayer" n'est plus "ayyur" qui veut dire la lune ou le mois, mais plutôt "igr", qui désigne le champ. De ce fait et pour expliquer (yennayer:janvier) il écrit:
« Tout le monde serait d'accord que le cycle biologique de la vie commence par la semence...il faut semer d'abord; le premier mois du cycle devrait donc être celui des semis... Imazighen diront "ayur n ayer" pour désigner la terre semée ».
Par cette logique l'auteur a trouvé l'origine amazighe de tout les mois Une simple vérification nous montre que les explications avancées par l'auteur ne tiennent pas. Pour le mois de Mars, l'auteur avance qu'il est dérivé du terme "M'Ghars". C'est le mois des plantations d'où M'Ghars qui veut dire "la période pour planter". Mais l'auteur n'a pas fait attention que le verbe "Ghars" est un emprunt à l'arabe et c'est dans cette langue où il a le sens de planter. Alors que le terme qui donne le même sens en amazighe (tachlhit) est "Zzu".
La tradition orale nous préserve jusqu'aujourd'hui, quelques expressions/poèmes liées à chaque mois. Ex : innayer iml-ak ma yra. Brayr a bu lmrayr... Mais en même temps, les Amazighs utilisent une autre terminologie qui entre en interaction avec les noms des mois arabes (musulmans) selon l'ordre suivant:
En amazigh |
En arabe |
Rmdan
|
Rmdan |
Win l3id-Win tissi |
Chwwal |
Win gr l3yad-Win tgra la3yud
|
Du Al-qi3da |
Win tfaska-l3id mqquren |
Du Al-hijja |
Ta3curt-A3cur |
Muharram |
Lmulud-Win lmulud |
Safar |
Tab3 lmulud- Ikn izwarn |
Rabi3 al awwal |
Wis sin ikniwn |
Rabi3 a ttani |
Adffas – Adffas izwarn |
Jumada Al awwal |
Adffas wis sin |
Jumada a ttani |
Agwrram- ayyur igwrramn win Igwrramn
| Rajab |
Taltyurt |
car3ban |
Ces mois révèlent en nous plusieurs interrogations. Ne sont-ils pas les vrais noms amazighs avant l'arrivée de l'Islam et qui ont été obligés de s'adapter avec la présence de la nouvelle religion?
Sont-ils une simple traduction des mois arabo-musulmans?
A côté des noms des mois, l'année amazighe est divisée en quatre saisons
Tagrst : hiver
Taldrar-tafsut : printemps
Anbdu-awilan : été
Tamnzuyt-amwan : automne. Par Lahoucine Bouyaakoubi