« La déclaration d'Azrou » émane du Comité préparatoire pour la constitution d’une organisation de la jeunesse amazighe du Maroc central. Le texte avait notamment été présenté à l’occasion de la journée d’études tenue sous le thème "Mouvement amazigh : bilan et perspectives" à Sefrou le samedi 22 mai 2010, organisée par deux associations du Maroc central, « Tawada, pour la culture et le développement » et « Aman, pour le développement durable ». Ces jeunes rassemblés autour de ce comité préparatoire projettent de tenir leur congrès constitutif cet été 2010.
Le 30 Mars 2012, un siècle se sera écoulé depuis la signature du traité de protectorat français sur le Maroc. En souvenir de ce triste événement, nous nous inclinons, avec respect, devant la résistance populaire héroïque de toutes les tribus amazighes de 1912 à 1934.
Et, à l’occasion, nous nous recueillons, la douleur dans le cœur, devant les sacrifices consentis par les résistants face à leur écrasement militaire dans le sang et la destruction impitoyable de leurs institutions socioculturelles et économiques, garantes de la protection de leur âme secrète, contre toute assimilation politique et sociale.
Suite à l’instauration du Régime de Protectorat, le colonisateur mit la main sur les ressources naturelles du pays au profit des grandes entreprises capitalistes étrangères. Les terres collectives fertiles furent distribuées aux colons, quant au reste, demeuré entre les mains des ayants droit, il fut placé sous tutelle de l’administration coloniale qui en faisait un instrument de pression politique sur les tribus.
Pour consolider cet état de fait, le colonisateur instaura un arsenal de lois, toujours en vigueur, qui vont déposséder progressivement les propriétaires de leurs droits de jouissance et les condamner à la pauvreté malgré la richesse de leur espace vital.
L’écrasement, par les armes, de la résistance amazighe ne produisit pas les résultats politiques escomptés. Dans la perspective de créer des interlocuteurs marocains, pour légitimer sa politique, le Protectorat mit sur la scène politique une élite choisie parmi les couches sociales citadines, favorables au Traité de Protectorat. Un Comité de Patronage, composé de personnalités politiques françaises influentes, se chargea de leur encadrement politique.
Ainsi naît, en 1934, le parti politique « Comité d’Action Marocaine ». Fondé sur une plate-forme politique intitulée « Plan de Réformes Marocaines », il se propose d’instituer, à l’ombre du Protectorat, un nouveau régime politique qui se distinguerait de l’ancien par l’exclusion de l’amazighité, hors du champ politique. Cette plateforme plaida pour « la généralisation de l’enseignement de la langue arabe, langue du Makhzen, au coté de la langue française. Quant au berbère, elle recommanda explicitement l’abandon de son enseignement pour sauvegarder l’autorité du Makhzen et l’unité du Maroc qui ne saurait se réaliser que dans l’identité arabo-islamique».
En signe de manifestation de soutien au Régime de Protectorat , qui a réussi à anéantir la rébellion berbère, les représentants du Comité de l’Action du Maroc « en éprouvent leur satisfaction et reconnaissent les efforts du Protectorat dans son œuvre importante d’équipement matériel moderne…mais remarquent, qu’eux-mêmes n’en n’ont profité que partiellement et d’une manière indirecte.. ».
Convaincu de la fin prochaine de son occupation du Maroc, le gouvernement français invita ses protégés en été 1955 à Aix-Les-Bains pour négocier les modalités de mettre fin au Régime de Protectorat.
Ces négociations aboutirent à des accords garantissant à La France ses intérêts au Maroc. En échange, le gouvernement français reconnaît à ses interlocuteurs le statut de seuls représentants officiels du peuple Marocain. Par cette investiture française, les protégés de 1912 devenaient les nouveaux maîtres du Maroc indépendant.
Et, conformément aux clauses secrètes des accords d’Aix-Les-Bains, les systèmes juridiques et administratifs instaurés sous le Régime de Protectorat sont reconduits dans le Maroc indépendant, après avoir subi une touche de marocanisation. Ils serviront de base pour légitimer les privilèges acquis par les nouvelles élites politiques, lesquelles, pour consolider leur autorité politique, officialisent leur option idéologique fondée sur l’arabo-islamisme comme unique socle de l’unité nationale.
En tant que jeunes, fiers de leur amazighité, nous nous considérons le prolongement du mouvement de la résistance populaire amazighe qui s’est opposée, par les armes, pendant plus de 22ans, à l’instauration du Régime de Protectorat français et espagnol sur le Maroc.
Par ce lien, nous exprimons notre adhésion aux principes qui ont animé cette résistance, notamment le refus de l’occupation de la terre amazighe, la violation des droits de ses hommes et la destruction systématique des fondements de base de l’identité culturelle du Maroc. Attachés à cet héritage gravé dans la mémoire collective, nous exprimons notre rejet des lois et autres systèmes hérités du Protectorat, lesquels étaient motivés par des considérations sécuritaires et élaborés, en leur temps, dans le but de légitimer la mainmise étrangère sur les richesses du pays.
Ces lois et systèmes, qui d’un point de vue juridique et moral n’ont jamais été légitimes, car imposés par les armes, continuent aujourd’hui, de couvrir du sceau de la légalité des comportements discriminatoires contre l’amazighité du Maroc.
Dans cet esprit, nous appelons toute la jeunesse marocaine à se mobiliser, dans un élan national, aux cotés de la jeunesse amazighe, pour l’abolition d’un système discriminatoire qui dure depuis bientôt un siècle. Faisons ensemble que le Maroc retrouve ses racines et son identité fondée sur celle de la terre amazighe, modèle de diversité ethnique, linguistique et religieuse.
Le Comité préparatoire de la Jeunesse Amazighe.