Le site officiel du ministère de l’Education nationale révèle que l’Enseignement de la langue amazighe sera suspendu pour l’année scolaire 2010-2011 (voir les liens ci-dessous). Par cette annonce, les craintes des associations amazighes exprimées récemment au sujet d’une possibilité d’enterrer l’enseignement de l’amazighe, dévoilée dans les coulisses des débats du Conseil Supérieur de l’Enseignement, avaient leurs raisons. Ces craintes deviennent sérieuses si on se rappelle des interviews et déclarations des hauts responsables chargés de l’Enseignement comme le feu Mezyan Belfakih ou le ministre actuel de l’Education nationale. Tous les deux faisaient allusion à une éventualité de réviser le statut de la langue amazighe dans l’Enseignement dans le cadre d’une politique générale pour revoir les langues d’enseignement au sein du système scolaire marocain.
Dans l’hiérarchie des langues au Maroc, l’arabe bénéficie de la protection constitutionnelle en tant que langue officielle, consolidée par une forme de sacralité dont elle jouit en tant que langue du Coran, sans oublier le mouvement international des Etats arabes qui encouragent cette langue. Il est donc impensable de penser à diminuer sa place au sein de l’Enseignement marocain. Le français, même s’il est la langue de l’ancien colonisateur, bénéficie d’une place privilégiée notamment dans le secteur économique et administratif même s’il n’a aucun statut au sein de la constitution marocaine. A ce niveau là, l’amazighe et le français sont égaux et n’ont aucune protection juridique mais l’amazighe se classe au bas de l’échelle au niveau économique. Le français bénéficie aussi du mouvement international de Francophonie et des rapports économiques et politiques liant le Maroc à la France. De ce fait, seule la langue amazighe est le maillon faible de cette équation. Elle n’a pas de protection constitutionnelle, ni de privilège religieux, ni de prestige économique, ni de pouvoir politique. Elle n’a que son statut comme langue autochtone du Maroc, encore utilisée par une grande partie des Marocains, avec qui elle entretient un rapport affectif très fort, sans oublier que depuis quelques années, la marginalisation de cette langue fut la raison de la naissance d’un mouvement national et international pour dénoncer sa marginalisation et revendiquer sa reconnaissance. Dans cet aperçu général au statut de quelques langues au Maroc, sans citer l’arabe dialectal, l’espagnole et l’anglais, toute discussion sur la révision des statuts des langues dans l’enseignement au Maroc ne peut viser que la suppression du maillon faible, la langue amazighe.
Devant l’absence d’un statut constitutionnel, l’amazighe avait l’espoir de bénéficier des discours royaux comme le discours royal du 20 aout 1994 annonçant la nécessité d’enseigner l’amazighe, mais surtout les discours du roi Mohamed VI depuis son intronisation en 1999. Son discours du 17 octobre 2001 à Ajdir scellant le sceau chérifien apposant le Dahir créant et organisant l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM) était révolutionnaire dans la gestion étatique du dossier de l’amazighité. En déclarant que l’amazighité est une responsabilité nationale, il invite toutes les instances concernées à coopérer avec l’Ircam pour la promotion de la langue et la culture amazighe dans tous les domaines, médias, enseignement et vie publique.. Dans ce sens, des conventions furent signées entre l’Ircam et le ministère de l’Education nationale et depuis 2003 l’enseignement de l’amazighe intégra quelques écoles marocaines dans le but de sa généralisation après quelques années. Entre 2003 et 2010, cet objectif n’est pas atteint et quelques déclarations officielles furent allusion à une possibilité de revoir l’enseignement de l’amazighe. Cette idée fut circulée dans les coulisses du Conseil supérieur de l’Enseignement et provoqua une mobilisation forte au sein du mouvement amazighe qui a obligé le ministère de l’Education nationale et l’Ircam à déclarer officiellement que toutes ces ‘’rumeurs’’ ne sont pas fondées. Aujourd’hui, la suppression de l’amazighe dans les programmes de l’année scolaire 2010-2011 ne peut que confirmer les craintes exprimées par le mouvement amazighe et décrédibilise les déclarations du ministère et de l’Ircam.
Le mouvement amazigh est appelé à préparer ses actions pour la rentrée scolaire 2010-2011 dans le but de préserver les ‘’acquis’’ modestes et exiger un enseignement sérieux de la langue amazighe.
http://portail.men.gov.ma/Lists/Pages/cycles_ens_presco-prim_horaires.aspx
http://portail.men.gov.ma/sites/fr/Lists/Pages/cycles_ens_presco-prim_prog.aspx