Depuis quelques années, l’écrit en amazighe n’est plus réservé exclusivement aux hommes. Il se féminise. Des femmes déclarent ouvertement qu’elles ne veulent pas rater leur rendez-vous avec l’Histoire en s’abstenant de contribuer dans ce grand chantier de production d’une néo-littérature amazighe. Elles veillent à ce que l’écrit en amazighe, par la force de traditions, ne soit pas imposé comme activité masculine difficile ultérieurement à remettre en cause.
Autrement dit, elles ne veulent plus se trouver devant le fait accompli, privées de leur droit d’écrire comme cela était le cas, pendant des siècles, avec pour conséquence une absence de prise de parole dans les assemblées villageoises ljma3t. De ce fait, l’écrit en amazighe devient pour les femmes un moyen d’épanouissement, un espace de liberté, un mode d’expression sans frontière et une issue pour l’égalité des sexes.
Parmi ces femmes, locomotives de la néo-littérature amazighe féminine, figure le nom d’Aziza Nafiaa. Née en 1984 à Inezgane.
Sa rencontre avec le poète et écrivain amazigh Mohamed Oussous aboutit à la mise en place d’un couple militant. Il ne s’agissait pas d’une simple rencontre entre deux être humains, attachés par un grand amour et désireux de fonder une famille, mais surtout, d’une fusion de deux âmes au service de l’identité amazighe. Le prénom de Tunaruz (celle de l’espoir), que porte leur fille (4 ans), résume parfaitement le destin voulu à leur amour sincère. Aziza est consciente que les taches ménagères réservées aux femmes dans la société “traditionnelle” ne lui permettront pas de s’exprimer en dehors des domaines limités auparavant. Soutenue par son époux, qu’il l’appelle AZA, elle mène un combat sur plusieurs fronts : assurer son rôle de maman, écrire en amazighe, faire connaître les auteurs et les nouvelles publications et participer aux rencontres littéraires. Elle fait partie de ces gens qui militent dans l’ombre. Elle veille à ce que le livre amazigh soit bien présenté dans le marché des titres.
Une grande partie des livres en amazighe édités dernièrement sont le fruit de l’effort conceptuel d’Aziza. Transcrire les textes, les corriger, choisir quelle police à utiliser et la mise en page sont autant de fonction qu’elle assure silencieusement au service de la littérature amazighe écrite. Le concept des couvertures suscite aussi son intérêt. Elle s’interroge sur quelles couleurs à choisir ? Quelles dimensions ? Quelle police d’écriture ? Où mettre le titre par rapport au nom de l’auteur ? Quelle image correspondant au contenu du livre ? Autant de question qu’Aziza traite avec beaucoup de patience pour que le “visage” du livre amazigh honore son auteur et valorise la culture amazighe. Mais Aziza ne se contente pas de ces taches “domestiques” dans le domaine de l’édition amazighe, elle est aussi poète dans sa langue maternelle. Son contact permanent avec des textes littéraires a développé chez elle des capacités poétiques. Ainsi, son recueil de nouvelles, en attente de publication, a eu le prix de littérature de la chaine 2M en 2009 et son deuxième recueil de poèmes verra le jour prochainement.