Vendredi 3 février à 21h à l’Espace Prévert – Scène du Monde
Samedi 4 février à 17h au Théâtre des Abbesses
Inouraz, quatre musiciens, emmenés par Khalid El Berkaoui, créent, en 2006, la musique spirituelle amazigh où l’audace ne recule jamais devant le désir d'aller à la rencontre de nouvelles sonorités, comme pour lever un coin de voile sur une part du monde qui nous était jusque là inconnue. Des musiques figées dans les codes ancestraux brisent les frontières avec une réjouissante liberté et n’hésitent pas à explorer d'autres territoires, des patrimoines musicaux inattendus. Les limites volent en éclats, la musique, ici, se réinvente d’autres horizons pour réunir deux frères ennemis, Est et Ouest, sur le fil d'une singulière portée.
Cette libre partition ne laisse pas d’affirmer sa naissance dans le Moyen Atlas. Comme si chaque note portait sur son front son lieu d’origine pour mieux aller à la rencontre des autres. Car c’est un Moyen Atlas non pas replié sur lui-même mais ouvert, transfiguré par le bonheur que lui vaut le contact des autres. L'oreille débusque ça et là des sonorités qui viennent de la planète jazz, mais d’ailleurs aussi. C’est dire que le voyage, auquel est convié l’oreille, est d’une richesse inouïe et qu’il requiert du temps pour être déchiffré à sa juste mesure, s'il se laisse savourer d'emblée.
Des instruments traditionnels s'emploient à donner le meilleur d’eux-mêmes. Inouraz fait la part belle aux ribab, loutar, lgembri, tamatam, nnaqous... comme pour célébrer la mémoire, cette vaillante gardienne qui a su les maintenir, dans l'adversité, à travers les âges. Mais il n’y a, dans cette célébration, aucun désir d’affirmer une vérité qui excluerait les autres. Pour se joindre à ces instruments, Inouraz convie le zarb iranien, la conga africaine et la tabla indienne avec une poignante humilité.
Etre à l’écoute du monde semble être le seul but de cette musique, pour mieux s’approcher de soi, dans une paisible intimité, comme dans le secret d’une alcôve, un voyage au fond de soi. La musique d’Inouraz est un miroir fait de sons qui permet d’entrevoir cette paix intérieure que nous portons en nous et que le bruit et la fureur du monde nous empêchent d'entendre clairement au grand jour.
C’est une musique qui clame sa foi en l’homme et dont le credo n'est que de dire la liberté.
A ce groupe, qui se produit au théâtre de la ville, s'est adjoint Moulay Ali Chouhad qui, dès son adolescence, n'a eu de cesse d'exercer la satire poétique. Il fourbit d'abord ses armes et comme tout poète chanteur de tradition orale, il fait très tôt siens les répertoires des poètes classiques, tels que Boubakr Az'ri, Boubakr Anshad, Ahrouch... Il se lance ensuite dans la création de ses propres textes, en empruntant à Anshad, Doudder ou Lhajj Amourague ou Belaïd leur musique pour accompagner ses textes.
Le poète-errant est une figure essentielle de la liberté. Il s’est défait de ses entraves et parcourt pour nous le monde. Ses errances sont celles que nous n’entreprenons plus. Il interroge le silence sans attendre de réponses. Rien ne lui importe que de questionner l'océan qui nous tient otages de ses ténèbres.
Cette rencontre, au Théâtre de la Ville, est une rencontre au sommet, car elle est l'occasion de découvrir un instant d'éternité, ce trésor que la poésie recèle et que la musique révèle. C'est à un face à face avec soi que nous invitent Inouraz et Moulay Ali Chouhad, dans le silence, miroir de l’invisible.
Kebir AMMI
Kébir AMMI, Né au Maroc, Kebir Ammi est écrivain et enseignant. Dernier livre paru : Mardochée (Gallimard)