La pression exercée sur Mahmoud JIBRIL et ses compagnons au sein du Conseil National de Transition en Libye et l'écartement du courant Amazigh qui a largement participé à la chute du régime de Khadafi, est l'exemple type, à peu de choses près dans les révolutions d'Egypte et de Tunisie, de l'influence du Qatar et de son implication directe dans la dérive de ces révolutions.Le Mouvement National de Libération de l'Azawad (MNLA), qui revendiquait un Etat laïc dans l'Azawad, a été une autre victime de la machination Qatari.
Ces révolutions sont aujourd'hui dans l'impasse. L'assassinat de l'ambassadeur des USA et des quatre fonctionnaires dans l'assaut de l'ambassade américaine à Benghazi, suite à des manifestations contre un film amateur insultant le prophète est l'aboutissement de cette dérive.
L'endoctrinement des populations, qui attise les haines, n'en finit pas de nous surprendre.
Mahmoud JIBRIL, Président de la Coalition des Forces Nationales, ex-membre du CNT libyen et chef du bureau exécutif de ce conseil pendant la transition post-Khadafi, dans son dernier point de presse donné au bureau de communication de la coalition nationale -qui a été diffusé sur Youtube et circule sur les réseaux sociaux- à fait un constat alarmant de la période de transition.
Il assure des informations sur le rapport secret de certains membres du CNT (dont en première ligne le président Moustapha Abdeljalil) avec le Qatar qui a fourni, durant l'insurrection, armes et argent à une fraction.
Le Qatar avait pour but d'armer le courant des Frères Musulmans pour assurer sa main-mise sur la Libye dans le futur.
Moustapha Abdeljalil, que l'on sait avoir un penchant pour ce courant des Frères Musulmans, et qui était désigné par les autres courants de la révolution comme un être faible et sans expérience aucune dans la gestion politique car magistrat de construction islamique, a été pris au piège dans les manœuvres entre Frères Musulmans et le Qatar.
A partir du 24 août, Mahmoud Jibril affirme avoir ressenti un changement dans la direction et les objectifs que la révolution avait tracés. Une dérive contre-révolutionnaire s'installe nous dit-il;
Les entretiens entre lui Président de l'Exécutif et Abdeljalil Président du CNT s'espacent, le Qatar est de plus en plus présent et influent dans les décisions que le CNT doit prendre, la politique extérieure de la Libye n'est plus discutée au sein du CNT, les décisions se prennent désormais au Qatar.
En visite au Qatar en sa qualité de Chef de l'Exécutif en charge du dossier de la politique extérieure de la Libye de transition, il est fortuitement informé de l'arrivée de Mustafa Abdeljalil accompagné entre autres d'Abdelakim Belhaj un des leaders de la mouvance des Frères Musulmans et se précipite à l'aéroport : Abdeljalil lui demande alors, « Docteur pouvez-vous s'il vous plait rédiger un document désignant Abdelakim comme chef des armées libyennes ? ». Il était seul contre quatre, en situation de faiblesse, et non-informé alors, malgré sa position de Chef de l'Exécutif de la tenue d'une rencontre entre les Etats-Majors de l'OTAN et la Libye à l'initiative du Qatar. « Abdeljalil ne m'a pas informé de cette rencontre, le Qatar non plus. Je n'étais pas invité à cette rencontre.»
Jibril se rend compte à ce moment-là qu'il est abusé, utilisé et manipulé, victime d'une machination Qatari, considéré comme le représentant de la laïcité à écarter par tous moyens.Jibril nous révèle aussi que, à sa grande surprise, le courant des Frères Musulmans se déchaine contre lui, le prenant pour cible de leurs critiques, le traitant d'athée, d'imposteur... de diable, et l'accusant de servir les agendas des pays extérieurs.Alors que, à la demande d'Ali Salabi et Soulaiman Dougha qui se plaignaient à l'époque devant la presse de ne pas avoir de représentant au sein du Conseil et malgré les avis partagés des autres membres, il avait appuyé l'intégration de quatre membres de ce courant au sein du Conseil de Transition.
Il signale à ce titre, qu'à maintes reprises, dans des rencontres de travail à Tripoli ou à Doha, lors des appels à la prière, il se trouvait derrière Mustafa Abdeljalil. Celui-ci n'a jamais cependant pris sa défense, n'a jamais témoigné pour lui rendre justice. Ce silence complice en faveur des Frères Musulmans prouve qu'Abdeljalil avait l'idée d'un futur Etat libyen différent du sien.
« Qu'est-ce qui a changé après la chute du régime » demande-t-il ? « Un seul changement, c'est un différend de principe et de modèle qui m'oppose aux Frères Musulmans, séparer la religion de l'Etat ».
Partout. Un seul changement qui doit apporter la victoire aux forces démocratiques contre les forces des ténèbres. Et là il faut la participation de tous, un travail de fond est de mise, il faut séparer le bon grain de l'ivraie.
Le 12 septembre les élections de l'assemblée nationale libyenne issue du scrutin du mois d'août, où siègent deux cents membres ont élu le 1er ministre qui formera un gouvernement de 2ème transition.
Ce système de scrutin qui a été adopté à la hâte, basé sur un système de répartition des sièges à l'assemblée nationale de 80 sièges pour les partis politiques et pour 120 sièges pour les candidats libres a donné plus de poids à certaines régions et renforcé le rôle des candidats libres au détriment des partis politiques.
Au 1er tour de scrutin la coalition de petits partis libéraux menée par Mahmoud Jibril a obtenu 68 voix; Awadh Al-Barassi, le candidat islamiste du PJC parti issu des Frères Musulmans après l'échec du mois d'août a obtenu 41 voix ; le candidat libre Moustapha Abou Chagour a obtenu 55 voix.
Monsieur Jibril n'a donc pas convaincu les 37 indécis qui se sont abstenus.
Au 2ème tour de scrutin les 41 voix des islamistes du PJC se sont portées sur le candidat libre qui a obtenu 96 voix, devançant Mahmoud Jibril de 2 voix seulement.
Aucune majorité n'est donc sortie des urnes.
Mahmoud Jibril a échoué, probablement à cause de sa vision partisane, de son manque de vision globale de la société libyenne et de l'Etat. Lui qui a défendu au sein du CNT l'intégration d'islamistes n'a pas su entendre les Amazighs alors qu'il aurait sans aucun doute bénéficié de leurs votes, eux qui ont toujours réclamé la reconnaissance de leur langue, de leurs traditions et de leur laïcité en descendant dans les rues dès la fin du régime.
Moustapha Abou Chagour technocrate qui formera probablement un gouvernement aura-t-il la force politique nécessaire pour appliquer son programme sans négocier au préalable avec les islamistes du PJC qui le soutiennent?
Les jours à venir nous le diront.