Pour l'un des piliers de la littérature amazighe écrite moderne, si ce n'est son initiateur, rien ne vaut le raffinement du verbe et la recherche du sens. A travers ses nombreux romans, on décèle un acharnement dans la recherche des expressions les plus profondes et des sens les plus recherchés. Un travail d'orfèvre digne des moments les plus envoutants de la littérature mondiale. Telle l'huile d'argan, il faut besogner pour pouvoir la savourer, chaque paragraphe du roman de Mohamed Akounad demande méditation et prospection.
Après « Ijdign n Tidi », « Tawargit d Imikk » voici venir le temps de « Tamurt n Ilfawn » ou le pays des sangliers. L'histoire part d'un fait réel à savoir la politique de l'arbitraire de l'état marocain qui consiste à peupler le pays de ses bêtes brouillantes qui sèment la désolation dans les champs et font fuir les populations. ''Les bœuf ou les invités du makhzen'' comme les nommait l'Amghar du village d'Aruku ou se déroulent les événements du livre. L'histoire n'est pas sans rappeler la chamelle de Saleh, décrite dans les livres saints, animal sacré qu'il convient d'honorer sous peine de malédiction. Comme dans les livres, les habitants n'ont pas idolâtré les encombrants invités de l'état, certains ont même osé se nourrir de leur chair pourtant prohibée pour les musulmans. C'est ainsi que la malédiction est tombée sur le village d'Aruku.Les hommes aussi peuvent devenir des sangliers. Il suffit pour cela qu'ils s'abreuvent d'idéologies destructrices. C'est ce qui est arrivé à Lahcen qui était à l'avant-garde pour dénoncer l'arrivée des marcassins. Condamnée pour avoir tué et mangé un des invités du makhzen, il ressort de prison avec des idées de sangliers, inculquées par des codétenus rompus à l'idiologie islamiste salafiste. De retour parmi les siens, il complète l'œuvre destructrice des quadrupèdes.
En vrai analyste de la société, Mohamed Akounad nous décrit l'arbitraire et ses ravages, ainsi que le mépris qu'éprouvent les plus forts pour les petit gens. Il dresse un tableau de la société de la montagne qui malgré son prétendu isolement n'est pas épargnée des ravages de l'arbitraire des autorités ni de l'incursion des charlatans de l'idéologie obscurantiste et rétrograde.
Par Mohamed Ouchtaine