La censure ronge, de toute éternité au Maroc, la liberté de presse, cette pierre d'assise de toutes nos libertés. Etant motivés par l'argent ou tout simplement émerveillés, quelques Marocains ont cru que l'avènement de l'actuel Roi allait élargir la liberté d'expression et de la presse. Un souhait irréalisable tel que le confirme en permanence l'affreuse vérité qui nous saute au visage à chaque fois qu'un rapport sur les Droits de l'Homme au Maroc est rendu public. Ali Anouzla n'est donc pas le seul journaliste, dans cet Etat en mauvais états, à faire l'objet de poursuites pour atteinte à la sécurité nationale ou pour vol. En sont la preuve manifeste les inéquitables procès de Mohamed Raji, Ali Lemrabet, Ali Amar, Rachid Ninni et la liste est encore longue.
Mis à part cette histoire de '' manque de respect au Roi '', qui n'est qu'une supposition logique, Ali Anouzla a été arrêté, nous semble-t-il, pour avoir osé tout dire en arabe et sur la toile. Rares sont ceux qui, parmi les journalistes aujourd'hui, continuent de s'exprimer en arabe sur des sujets tabous tout en produisant un discours bien construit, clair et qui ne se veut pas populiste. A cette raison s'ajoutent également, la médiatisation croissante des articles dont les auteurs représentent une nouvelle élite civile, le traitement assidu du sujet de la répartition des richesses et le soulèvement d'un point de vue national critique à l'égard de la gestion « officielle » du dossier de l'intégrité territoriale.
Tous réunis, les éléments sus-indiqués ne peuvent que nourrir en nous l'aspiration à un Etat de droit et, du coup, nous amener à penser nous-mêmes, librement. N'est-ce pas là le but ultime du Mouvement du 20 Février et de toute démocratie ?
Rien ne permet de croire qu'Ali Anouzla aurait été épargné du coup monté car il vient de loin, du Sud. Son nom, à titre d'information, ne correspond à aucun de ceux itérativement prononcés dans le journal télévisé de la SNRT. Le nom Anouzla ne figure pas sur les listes des élèves lauréats des écoles de la mission française. Il est bien entendu le produit pur de l'école publique. Voila donc pourquoi le Makhzen a procédé à l'arrestation de ce fils du peuple.Il va sans dire que la publication du lien renvoyant à la vidéo d'AQMI ne porte aucune atteinte à la sécurité nationale pour la simple et bonne raison que « nos intégristes », qui ont déjà appelé au meurtre de journalistes et d'artistes, ne manquent pas de motivation. Au contraire, le Makhzen laissant libre court au prosélytisme wahhabite international financé par l'Arabie Saoudite, sème les germes du malaise, de la haine et de l'animosité entre les Marocains sur un fondement religieux.
Depuis quand le sunnisme a besoin d'une panoplie d'associations pour survivre ? Le Maroc n'est-il pas à majorité sunnite ? Si oui pourquoi « l'Islam pétrolier » continue à inonder d'argent les associations confessionnelles et ses Chioukhs ? A toutes ces questions répond Ali Anouzla dans son dernier éditorial intitulé '' L'Arabie Saoudite, ce péril en embuscade ''.
Asafar Lihi