Au lendemain de "l'élection" (je mets ce mot entre guillemets, car il n'a pas le sens exact d'une élection), de Liamine Zeroual, en Algérie, Saïd Mekbel a publié, sur le quotidien Le Matin, une caricature d'Ali Dilem, avec cette phrase : "Zorro est arrivé".
La lettre « Z » coïncidant, en plus, avec la première lettre du nom de « Zerroual »
Ce jour-là, en allant le voir à son bureau, à Hussein-Dey, je le rencontre à l'entrée, il me dit :
-Tu sais d'où je viens, Smaïl ?
A ma réponse négative, il me dit :
- Je viens du cabinet de la présidence. J'ai été convoqué parce que j'ai publié la caricature de Dilem, avec la phrase qui les dérange :"Zorro est arrivé".
Des reproches lui ont été faits avec une grande véhémence, pour cela.
Six mois après, le triste jour du 3 décembre 1994, Saïd Mekbel sera assassiné, à deux pas de son bureau.
Quotidiennement, comme il me l'avait dit, il se savait en danger de mort. Chaque soir, il n'était pas sûr d'arriver jusqu'à chez lui.
C'était pour cette raison, le sachant donc en danger, je lui avais proposé, en cas de nécessité et urgence, de venir se réfugier chez moi, à la Cité Amirouche, à Hussein-Dey, pas loin de son bureau.
Je me souviens aussi que, lui ayant demandé de sponsoriser une rencontre culturelle amazighe qui aura lieu à Bejaïa, en lui offrant un espace publicitaire, il me dit :
-En plus c'est à Bejaïa ? Tu me fais un double piège, Smaïl. Bejaïa !
Je ne savais pas encore qu'il était natif de Bejaïa, et donc il ne pouvait pas refuser de faire quelque chose pour sa belle région de naissance, d'une part, et, d'autre part, pour la culture amazighe. Il offrit donc ce bel espace à l'association qui organisa cet événement culturel.
Saïd Mekbel était d'une simplicité et d'une modestie exemplaire.
Il restera, pour l'éternité, un GRAND et INCORRUPTIBLE HOMME de la PLUME LIBRE.
Je m'incline devant lui, devant sa Mémoire.
Saïd Mekbel naquit le 25 mars 1940 à Bejaïa, en Kabylie.
Il était Chroniqueur satirique connu sous le pseudonyme Mesmar Dj'ha
Il fera ses premières armes à Alger Républicain où il se fait critique de cinéma.
Sur les conseils d'Henri Allez, alors directeur de publication, il participe à la chronique satirique de L'Ogre ouverte à tous les journalistes du quotidien, qu'il reprendra ensuite sous le nom d'El Ghoul, au même moment il crée sa propre chronique... Mesmar Djeha.
Il reste à Alger Républicain jusqu'au 19 juin 1965 date de la prise de pouvoir d'Houari Boumédiène coïncidant avec l'interdiction du journal à paraître.
En 1989, à l'appel d'anciens d'Alger Républicain, il reprend la plume pour faire renaître la chronique d'El Ghoul, qu'il accompagnera souvent de ses propres caricatures.
Il participe au journal satirique El Manchar.
En 1991, il quitte Alger républicain. Avec une équipe de journalistes qui créent en septembre de la même année, Le Matin où il réapparaît avec Mesmar j'ha, qu'il décide de planter en haut à droite de la 24.
En avril 92, Il crée son propre bimensuel satirique Baroud qu'il arrête après une dizaine de numéros suite à des problèmes administratifs.
1993, il collabore à l'hebdomadaire Ruptures. En septembre de la même année, il sera nommé directeur de la publication du quotidien le Matin.
Saïd Mekbel échappe à un premier attentat le 8 mars 94 à la sortie de son domicile.
Le 3 décembre 1994, il est de nouveau victime d'un attentat dans un restaurant proche du journal à Hussein-Dey. Touché de deux balles dans la tête, Said Mekbel succombera à ses blessures le lendemain à l'hôpital d'Ain Naâdja d'Alger.
Il sera enterré, au cimetière de Sidi Mohand Amokrane, à Béjaia.
Son dernier billet « Ce voleur qui », publié le jour-même de son assassinat, fera le tour de la presse mondiale.