Le sieur Abdellah Hammoudi vient de relancer de nouveau une polémique que le prince Moulay Hicham avait déjà enclenchée à Paris, il y a quelque temps déjà, lorsqu'il avait affirmé que les « Amazighs » ne sont pas les premiers habitants du Maroc. Afin d'en finir avec cette affirmation saugrenue, j'aimerais poser la question afin de savoir si au Maroc il existe des Arabes ? Ou, autrement, d'où viennent les Arabes du Maroc et par extension d'Afrique du Nord ?
A la différence du prince Moulay Hicham, son cousin, le roi du Maroc S. M. Mohamed VI, avait affirmé au magazine « Le Figaro », au début de son accession au pouvoir que : « Les revendications berbères ne sont pas les mêmes que celles des kabyles. Chez nous, la sensibilité Amazighe plutôt que berbère, est intégrationniste. Je suis marocain avant de dire que je suis berbère ou arabe. Il y a des Marocains qui sont berbères, d'autres d'origine arabe, africaine ou andalouse. Mon père était de descendance arabe alors que ma mère est berbère ». Ainsi, le souverain reconnaissait posséder 50% de gènes amazighs, héritée de sa mère. Par contre, si on analyse l'apport amazigh de la part de son père, le défunt roi Hassan II, on se rend compte qu'il n'est pas de 50% sinon de 75%, du fait que sa grand-mère paternelle est amazighe, et si nous remontons encore plus à l'apport génétique de son grand père, alors l'apport génétique, deviendrait de 87,5 %, et si on continue à son arrière grand père, l'apport génétique amazigh devient prépondérant arrivant 93,75%. Si on continue à remonter les générations anciennes, du fait de la tradition chez les souverains alaouites (comme d'ailleurs il existait chez les idrissides, les saadiens...) de se marier toujours avec des femmes amazighes, alors les gènes du roi s'approchent inéluctablement à presque 100% des gènes amazighs, alors que son cousin le prince Moulay Hicham ne détient que 50% du fait que sa mère est d'origine libanaise !
Je ne sais pas sur quelles disciplines ou données scientifiques se sont basés notre ami Hicham et son collègue Hammoudi pour affirmer qu'il n'existe pas d'Amazighs, au Maroc. En tant qu'intellectuels, ignorent-ils les toutes dernières découvertes d'Ifri n Amar à Assif Baht (oued Baht de Khémisset), Ifri n Ammar d'Afsou (Mont Arruit à Nador) et de la grotte des pigeons de Zegzal, à Berkane, qui révolutionnent les données sur les origines des premières populations amazighes, leurs croyances, leurs découvertes de minerais, leur industrie lithique... De même que les découvertes anthropologiques anciennes de l'Homme de Sidi Abderrahmane à Casablanca dont l'âge remonte de 200 000 à 700 000 ans, l'homme de Témara1 ... Ainsi que les publications de grands chercheurs comme Gabriel Camps ou Malika Hachid qui a confectionné un livre de référence sur « les premiers berbères »2 .
Le but de ce papier est d'appeler l'attention de chacun sur une nouvelle discipline scientifique qu'on appelle l'anthropologie génétique ( la génétique des populations ou encore anthropologie moléculaire). Une discipline dont l'italien Luca Cavalli-Sforza3 a été l'un des plus grand défenseurs dans les années quatre vingt et qui dernièrement a pris une importance extraordinaire à tel point qu'elle est arrivé miraculeusement à dresser un arbre généalogique mondial des populations de l'humanité toute entière4 . L'anthropologie génétique remet en cause les hypothèses et théories, comme celle véhiculée faussement par les manuels scolaires, à savoir que les Amazighs seraient originaires du Yemen.
L'un des premiers à s'intéresser à cette problématique est incontestablement mon ami l'immunologue de l'Hôpital du 12 octobre, de Madrid, Antonio Arnaiz-Villena, auteur de plusieurs articles scientifiques et de deux publications de références ( El origen de los vascos y otros pueblos mediterràneos et Egipcios, Bereberes, Guanches y Vascos,,co-édité avec Jorge Alonso Garcia, à l' Editorial Complutense de Madrid, édités respectivement 1998 et 2000) qui en partant de l'étude de la parenté génétique des Basques et en les comparant avec diverses populations méditerranéennes est arrivé à lever le mystère des origines de ces populations authentiquement ibériques que sont les Basques, et par suite des populations nord-africaines, que sont les Amazighs. Avant de voir les surprenants résultats des recherches de l'équipe d'Arnaiz, faisant un petit rappel sur l'anthropologie génétique. Comme tout le monde le sait, les noyaux de nos cellules contiennent des chromosomes qui sont formés de l'ADN, comportant toutes nos informations génétiques que sont nos organes, la couleur de notre peau, la forme de notre nez, la texture de nos cheveux, etc.
En comparant l'ADN de populations différentes, on arrive à calculer le nombre de mutations qui ont permis de créer des différences entre les protéines de ces populations, sous la pression de la sélection naturelle et qui a permis d'expliquer l'évolution des espèces dont celle de l'espèce humaine.
Dans le cas de l'équipe du professeur Arnaiz, il ne s'est pas basé l'ADN mitochondrial ( ADN-mt des mitochondries) qui se transmet intégralement de la mère aux enfants, sinon sur les mutations de l'ADN des immunoglobulines, qui sont des protéines appelés anticorps et produits par le système immunitaire en réponse à une agression extérieure. Ces gènes HLA des immunoglobulines du sang sont utilisées pour caractériser des groupes de populations. Ces études sont faites par le département d'immunologie de l'Hôpital du 12 Octobre afin d'étudier le degré de rejet des organes de transplantation.
Selon les résultats obtenus, résumés dans l'article d'Antonio Arnaiz-Villena intitulé « genética de los bereberes : emparentamiento con ibéricos, vascos y otors antiguos mediterràneos », publié dans notre publication « Estudios Amaziges, sustratos y synergias culturales, editores Vicente Moga Romero y Rachid Raha, Melilla 2000 », et consultable à la page 67 de ce web : http://www.amadalpresse.com/RAHA/PDF/Estudios%20Amaziges.pdf , on y trouve des tableaux semblables aux tableaux ci-après et qui révèlent quelques vérités :
• Que les Basques sont très proche génétiquement de autres Espagnols et des Portugais, qui ont conservé du néolithique le premier parler de toutes les populations ibériques, à savoir l'euskerra, qui paraît il est proche des parlers amazighs anciens.
• Que les ibériens, de même que les Italiens du sud et de Sicile, sont plus proche des Amazighs et des Algériens que des européens au nord des Pyrénées (les gaulois, les allemands, les flamants, les vikings...)
• Que les Algériens arabophones, qui se croient des « Arabes » sont plutôt cousins des Amazighs marocains et ils sont très lointains sur le plan génétique des Libanais, des Arabes du Proche Orient. Ces derniers sont des cousins plus proches génétiquement des Israéliens. Ils ont les mêmes origines mais les religions monothéistes les ont séparées en interminables conflits confessionnels entre juifs, chrétiens et musulmans !
• Quant aux marocains, en comparant des personnes arabophones d'Essaouira avec un marocain amazighophone d'Agadir, la parenté est très claire, ce qui veut dire que tous les marocains qui se croient « Arabes », et par extension tous les nord-africains ne sont que des Amazighs, qui se sont arabisé à la suite de leur conversion à l'Islam et surtout à la suite des politiques d'assimilation forcée par l'idéologie arabiste des politiciens soi disant nationalistes arabes qui se convertissent de plus en plus en salafistes. (voir : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-maghrebins-ne-sont-pas-des-141092 ). C'est ainsi que tous les apports génétiques des tribus arabes (comme celles des Banu Hilal, Banu Maâqil...) se sont dilués dans le fond génétique des populations autochtones, à l'exception des juifs qui ont gardé une certaine identité génétique du fait de leur tradition de mariages endogamiques et de vivre en communautés plus ou moins fermées sur eux-mêmes.
Devant ces vérités scientifiques incontestables, les nationalistes « arabes » et les salafistes crieront sans aucun doute au scandale. Ils ne pourront jamais accepter que ces recherches sont faites dans le cadre de la science et de la santé. Ces comparaisons génétiques des immunoglobulines ou des anticorps pratiqués sur des personnes de divers pays du pourtour méditerranéen, par l'équipe de département d'immunologie de l'Hôpital du 12 Octobre de Madrid, révèlent qu'au cas où un citoyen espagnol aurait besoin d'une transplantation de cœur, par exemple, celui-ci accepterait mieux celui d'un marocain quelconque que celui d'un français, qui est plutôt son voisin géographique le plus proche. Par exemple, prenant un citoyen marocain, en l'occurrence M. Abdellah Hamoudi. Supposons que ce dernier aurait voulu offrir un de ses reins pour aider un patient qui en souffre, eh bien, son rein serait mieux accepté par un chrétien sicilien que par un palestinien musulman de Gaza, du fait qu'il est plus proche génétiquement des euro-méditerranéens du sud que des Arabes qu'il sacralise. Par contre le rejet d'organe est moindre entre les palestiniens et leurs ennemis jurés que sont les israéliens, du fait qu'ils partagent un fond génétique commun, et ses derniers, palestiniens et israéliens, sont effectivement plus proches des Iraniens et des Européens du Nord, qui descendent de l'homme de la Palestine et du Cro-Magnon européen ! Et n'oublions pas que l'homme de la Palestine comme le reste de l'humanité proviennent de notre continent africain.
Selon les résultats de ses premières études génétiques des Amazighs, le professeur Antonio Arnaiz-Villena conclut que : « Probablement qu'il existait une grande population le long du désert du Sahara et en Afrique du Nord, une seule langue, et éventuellement une identité génétique... Ce peuple a été forcé à émigrer à l'époque des fluctuations climatiques de désertification qui a eu lieu vers les 18.000 dernières années (après la dernière glaciation), et lorsque cela est devenu un désert et qu'il était difficile de survivre, elle a émigré définitivement et en masse vers les côtes du nord de la Méditerranée (Péninsule ibérique, sud de l'Italie, îles méditerranéennes occidentales) vers les îles de l'Atlantique (Iles Canaries) et vers l'est (l'Égypte) (6000 années avant JC) ».
En définitive, l'anthropologie génétique affirme que les aïeuls des Amazighs, de tous les nord-africains, qu'ils soient amazighophones ou arabophones/arabisés, comme ceux des Ibères, des Guanches et des Egyptiens, viendraient de ce Grand Sahara où ils ont merveilleusement dessinés les meilleures peintures rupestres de l'humanité, repris dans les fameux livres de Henri Lhote et de Malika Hachid.
Pour terminer, je me permettrais de donner un petit conseil à mon ami le prince Moulay Hicham, qui a hérité de presque 50% des gènes d'origine amazighe de la part de son père et 50% des gènes arabes de la part de sa mère, en lui disant que s'il a investi beaucoup sur le plan intellectuel et financier en faveur de la promotion de la culture « Arabe », héritée de la part de votre mère, je crois qu'il est temps de se pencher et de dépenser la même énergie et les mêmes moyens matériels en faveur de la promotion de « sa » culture « Amazighe », celle héritée de la part de son défunt père Moulay Abdellah.
Par Rachid RAHA
1 http://www.minculture.gov.ma/fr/index.php?option=com_content&id=62%3Ales-sites-prehistoriques-du-maroc-&Itemid=104)
2 Edisud 2000.
3 Gènes, peuples & langues, Odile Jacob, Paris 1998
4 A Genetic Atlas of Human Admixture History in Science 14 February 2014).