Le tribunal de première instance de la ville d'Inezgane a connu, en date du 6 juillet 2015, un procès historique de deux filles jugées pour avoir porté des jupes : elles ont été harcelées, chahutées et encerclées par des marchands d'un souk populaire, ce qui les a conduites à se réfugier dans un magasin en attendant l'arrivée de la police. Au lieu de leur assurer la protection nécessaire et d'appliquer la loi envers ceux qui ont commis le véritable crime à leur encontre, la police les a conduites vers un commissariat où elles ont été humiliées et obligées à apposer leurs empreintes sur un PV qu'elles ont été empêchées de lire alors qu'elles savent très bien lire et écrire.
En effet, ce PV, qui signalait que les jeunes filles portaient des vêtements courts et moulants, a suffi pour qu'elles soient poursuivies par le parquet en vertu de l'article 483 du code pénal qui incrimine et punit l'outrage public à la pudeur.
La Coalition Printemps de la Dignité a suivi les différentes étapes de cette affaire, et ce depuis l'arrestation des deux jeunes filles. Elle a participé à différents sit-in de protestation et de soutien et a également délégué 120 avocates et avocats pour soutenir et défendre les deux filles.
Le Printemps de la Dignité estime par ailleurs que les libertés individuelles des femmes sont visées dans un contexte où les droits humains de manière globale sont ciblés et attaqués par divers antagonistes, alors que la législation pénale en vigueur demeure conservatrice, ne protège pas les femmes de la violence et des discriminations sexistes et ne garantit pas leurs droits et libertés individuelles.
De tels agissements et attaques des droits et libertés sont sustentés par une culture rétrograde de « takfir », hostile aux acquis et aux valeurs de la modernité et de la démocratie. Ils se nourrissent d'une politique gouvernementale qui, à son tour, se dresse contre les droits des femmes et les des revendications légitimes desassociations de droits des femmes et droits humains et fermeparadoxalement les yeuxsur la nécessaire application de la loi envers des citoyens qui mènent des campagnes de « takfirisme » et d'incitations à la haine et à la discrimination sexiste et qui s'attaquent aux fondements de l'état de droit et des institutions.
Par conséquent, la coalition considère que l'affaire des deux filles n'est aucunement isolée; elle s'inscrit dans un schéma qui s'organise autour d'une culture de l'extrémisme et du terrorisme et qui constitue une réelle menace pour la stabilité du pays et pour l'instauration d'un état de droit.
La véritable réponse à ces menaces qui pèsent sur les droits des femmes à la liberté, à la dignité, à l'égalité et à la justice... ne peut être réduite à un verdict équitable rendu, le 13 juillet 2015, par un système judiciaire indépendant et impartial qui prend en considération les défis majeurs et remédie aux erreurs dues à la partialité de la police judiciaire et du parquet. La véritable réponse devrait se traduire par une volonté politique qui tranche avec toute hésitation en matière des libertés individuelles et procède à une réforme de la législation pénale, à savoir le code pénal et le code de la procédure pénale, à travers leur refonte globale afin qu'ils soient conformes aux dispositions constitutionnelle et engagements internationaux du Maroc en matière de droits humains des femmes. Cette réforme se devra de prendre en considération les revendications des associations de droits humains et de droits des femmes, notamment celles de la Coalition Printemps de la Dignité, formulées dans ses différents memoranda, à savoir entre autres sa vision du système de la justice ; celle d'une justice pénale assurant la protection des femmes de la violence et des discriminations et garantissant leurs droits et libertés individuelleset enfin celle d'une loi globale de lutte contre la violence à l'encontre des femmes.
La Coalition Printemps de la Dignité, tout en annonçant sa décision d'organiser une conférence de presse à Casablanca, le 13 juillet2015, date où le verdict des filles d'Inezgane, sera rendu, elle invite toutes les forces vives qui croient en la démocratie et les droits humains à davantage de vigilance et à une mobilisation continue et accrue en faveur des libertés individuelles et des droits des femmes et pour une consolidation des acquis. De même qu'elle demande qu'une enquête soit ouverte sur les violations de la loi commises par la police judiciaire.
Communiqué de la Coalition Printemps de la Dignité
Agadir, le 7 juillet 2015