Les maladresses si ce n'est les provocations, l'improvisation consacrée en principe du discours politique et les excès de certitudes sont des facteurs qui précipitent l'aveuglement du politique et l'incompréhension des administrés. A ceci s'ajoute un sentiment profond et un héritage psychologique et culturel basé sur un ethnocentrisme assumé qui fait de l'autre, soit-il son concitoyen, une risée à moquer.
Chaque groupe humain a son diable, chaque groupe social dispose de son souffre-douleur. On ne peut rien y changer. Il est désigné comme moins que soi de par sa position sociale, de par sa religion ou encore de par sa langue. Que n'attend pas entendu de blague moquant l'avarice du chleuh, la malice du juif ou la rapine de l'arabe ? On parle alors de l'humour populaire ou de la grandeur du cœur des gens qui n'en font pas grand cas. Ils vivent avec et transposent sur l'autre ce qu'ils n'osent pas s'avouer sur eux-mêmes. Mais quand le discours politique s'en sert pour masquer ses échecs et ses camouflets, la situation devient moins comique et déclenche des réactions moins bon enfant.
Le discours du premier ministre marocain devant des membres de son parti politique le PJD, Partie de la Justice et du Développement, illustre bien ce passage vers l'officialisation de la moquerie d'une partie du peuple marocain qui a le plus besoin d'être rassurée. Depuis l'officialisation de leur langue dans la constitution marocaine, les amazighs sont en attente d'une loi organique qui traduirait une volonté politique capable de mettre fin à plusieurs décennies de marginalisation. Le gouvernement islamiste ne cesse de se dérober et n'a plus que quelque mois pour proposer et faire adopter cette loi. Cette attente qui n'a que trop duré est vécue comme une attitude de mépris par une large partie du mouvement amazigh. Et voilà qu'au lieu d'apaiser les esprits et travailler sur le dossier, Monsieur le premier ministre prend un malin plaisir à moquer la supposée radinerie des berbères.
Les premières réactions ne sont pas faites attendre. De nombreux intellectuels et l'ensemble des marocains, de toutes les tendances et dans toutes les régions, ont désapprouvé ces provocations. D'autres moins nombreux, parmi les encartés du PJD se sont aventuré à inventer quelques excuse au premier d'entre eux, rappelant que tous ses amis et ses collaborateurs sont amazighs. Mais là n'est pas la question.
L'incendie des portraits du premier ministre à Agadir ne traduisent pas une haine de sa personne, mais la déception devant les promesses non tenues.