Au terme de la 12ème édition de l'Université d'été d'Agadir organiséesur le thème « L'amazighe en milieu urbain » tenue à Agadir du 13 au 16 juillet 2016 avec la participation d'une trentaine de chercheurs de différentes disciplines, les participants ont adopté les conclusions et recommandations suivantes :
-Les participants rappellent l'importance du travail fourni par l'Association université d'été d'Agadir depuis sa création en 1979 et l'intérêt de maintenir un espace de dialogue serein et de débats scientifiques sur l'amazighité qui permet aux chercheurs et aux jeunes chercheurs (en master et en doctorat) de présenter leurs travaux.
- L'Université d'été d'Agadir a réussi par son dynamisme, sa longue histoire de 37 ans et par le renouvellement permanent de ses dirigeants, à s'imposer comme une référence majeure en matière de démocratie, de respect de la diversité linguistique et de développement culturel.
- Ils réaffirment l'importance de la coopération enregistrée entre l'Université d'été d'Agadir et les institutions académiques, notamment l'Université Ibn Zohr d'Agadir et l'Institut royal de la culture amazighe (Ircam), au sujet des préoccupations communes.
- Ils soulignent l'actualité et le caractère novateur du thème de la 12ème édition « L'amazighe en milieu urbain » traité suivant des approches multidisciplinaires.
- Ils attirent l'attention sur l'urbanisation comme un phénomène mondial, l'augmentation continuelle des populations citadines, la rurbanisationet de leurs effets négatifs sur la maitrise de la langue amazighe à plusieurs niveaux (grammatical, lexical, morphologique,...)
- Ils reconnaissent néanmoins que la ville, peut contribuer au développement de la langue et la culture amazighes si les conditions sont favorables, comme l'atteste la naissance du mouvement associatif amazigh dans les villes.
- Ils notent que tout au long de l'histoire du Maroc, l'amazighe était toujours présente au sein des grandes villes marocaines (Fès, Marrakech, ...) qui se caractérisaient par le respect et la gestion de la diversité linguistique
- Ils alertent sur les mutations de l'espace urbain qui entraîne l'exclusion de l'amazighe. L'amazighité a notamment été l'objet d'un certain nombre de représentations négatives qui ont fini par exclure les amazighophones. La réhabilitation de la langue amazighe au sein des villes nécessite le changement de ces représentations et de nouvelles perspectives pour les jeunes d'aujourd'hui et de demain.
- Ils font remarquer que face à la volonté d'exclure l'amazighe du milieu urbain, les Amazighs ont développé des stratégies de résistance par leur attachement aux toponymes amazighs locaux, par l'utilisation de la signalétique amazighe pour les sociétés commerciales et par la création des associations amazighes.
- Ils mettent en garde sur les effets de la mondialisation sauvage sur la diversité culturelle, tout en reconnaissant que la globalisation peut, grâce au développement des moyens technologiques, offrir à la culture amazighe l'occasion de se développer et de se faire connaitre mondialement.
-Les participants notent avec satisfaction le début de l'utilisation de l'alphabettifinagh dans l'espace public tout en critiquant « l'anarchie linguistique » au niveau de l'orthographe, la grammaire, la traduction,...)
- Ils mettent l'accent sur le rôle que pourrait jouer l'Université d'été d'Agadir par la mise en place des ateliers de travail en marge de ses éditions pour l'encadrement des doctorants et l'apprentissage du tifinagh.
En tenant compte de la reconnaissance de l'amazighe comme langue officielle de l'Etat marocain comme une avancée considérable pour cette langue, les participants considèrent que le retard inexplicable de la promulgation des lois organiques relatives à sa mise en application est une décision anti-constitutionnelle injustifiée. Elle fait naitre un sentiment de déception quiporte les germes d'un mécontentement dont les conséquences restent encore aujourd'hui difficiles à cerner.
Dans ces conditions, l'Université d'été d'Agadir recommande à l'Etat marocain de :
- respecter la constitution et promulguer sans plus tarder les lois organiques de l'amazighe et prendre les mesures et les décisions nécessaires pour sa mise en application pour que l'amazighe joue pleinement son rôle de langue officielle. Par conséquent, il importe de criminaliser tout acte discriminatoire contre l'amazighe, quelque soit sa provenance.
-mettre en place une grande campagne de communication pour informer et sensibiliser les Marocains du nouveau statut de l'amazighe et de l'importance que constitue cet acquis.
- prendre des mesures assurant le respect de l'identité amazighe des villes marocaines, garantissant le recours aux toponymes amazighs et reconnaissant la nécessité de nommer les nouveaux quartiers par des noms amazighs.
- mettre en place une politique linguistique qui intègre la famille, l'école, l'université et les médias pour la promotion des deux langues officielles, l'arabe et l'amazighe, et qui permet l'ouverture sur les langues étrangères faisant de la ville marocaine un espace de respect de la différence propice au développement de l'amazighe plutôt qu'à son extinction.
- encourager les arts citadins en amazighe dans les différents domaines culturels (cinéma, théâtre, production écrite,...)
- promouvoir la recherche académique sur l'amazighe en milieu urbain et inviter les étudiants à s'intéresser à ce sujet tout en renforçant la coopération entre les différentes structures académique partageant la même préoccupation.
- de recourir à l'amazighe dans tous les documents et les annonces publicitaires relatifs à la promotion de la COP 22 qui se tiendra à Marrakech en 2016, de prendre en compteet faire connaitre la richesse de la culture amazighe comme facteur de préservation de l'environnement, et de reconnaître la place centrale des associations amazighes au sein de cetteinstance internationale.
- de mettre à la disposition des médias amazighes à pied d'égalité avec les médias arabophones et francophones les moyens financiers, logistiques et humains qui lui permettront de couvrir tout le territoire marocain 24h/24, d'œuvrer à la formationdes journalistes et de garantir la qualité de la communication.
- de créer de nouveaux départements de langue et culture amazighes dans toutes les universités du Maroc et d'assurer l'enseignement de la langue amazighe dans les programmes de tous les autres départements.
- de respecter le droit à la ville des locuteurs amazighsen mettant en place des conditions favorablesleur permettant de s'investir dans leur langue dans tous les secteurs et garantissant leur droit à participer à la vie culturelle de leurs villes sans discrimination aucune.
En outre, les participants appellent :
- le parlement et les conseils locaux, régionaux et provinciaux à utiliser l'amazighe dans la tenue de leurs réunions et dans la rédaction de leurs documents et à prendre des mesures garantissant la traduction à tous les non amazighophones et mettre en place des cours d'apprentissage destinés aux élus, aux personnels administratifs et aux administrés.
- les responsables de l'Association Université d'été d'Agadir à réfléchir à la mise en place d'une forme de partenariat avec l'Association Timitar avec laquelle elle partage une partie de ses objectifs.
Agadir, le 16 juillet 2016