Dans ces temps d’incertitude sur le bien fondé d’une intervention internationale pour protéger le peuple libyen d’une répression/extermination certaine de la part d’un dictateur, l’interrogation qui se dégage actuellement dans le monde pourrait se résumer ainsi : « la coalition puis l’OTAN ont-ils offert un pays sur un plateau d’argent à un potentiel régime islamiste ? ».
Pour la Libye, l’après Kadhafi ouvre de nouvelles perspectives qui dépassent de loin le type d’état (laïque, religieux) et le mode de gouvernance. Il s’agit de la définition même de la nation libyenne.
Parmi les pays d’Afrique du Nord, la Libye est le seul pays qui a assuré une continuité historique depuis plus de 2000 ans : le pays s’appelle toujours Libye dans ses frontières approximativement stables, ses habitants sont toujours les libyens de l’époque de Massinissa et bien avant, sa langue (tamazight, berbère) est toujours là. Si une partie de cette population a été arabisée depuis l’avènement de l’islamisation et l’apport de populations arabes, éthniquement le pays n’a presque pas changé.
Il est utile de rappeler qu’il y a moins de deux ans, Kadhafi, au sommum de sa puissance, a déclaré à une délégation du Congès mondial Amazigh qu’il a reçu à Tripoli que « les berbères ont disparu ». L’Histoire vient de lui démontrer dramatiquement le contraire. Cette anecdote devrait faire réfléchir les chantres de l’arabo-islamisme présents actuellement au sein du CNT.
D’un côté les défenseurs de l’arabo-islamisme militant, qui diffèrent peu de l’idéologie de Kadhafi, avec une perpsective islamiste déjà exprimée et qui situent la Libye dans la nation arabe, avec l’Arabe comme langue officielle exclusive de la Libye.
De l’autre côté les défenseurs d’une Libye libyenne, assumant son histoire et sa diversité ethnique et linguistique (tamazight et l’arabe libyen comme langues oficielles), et défendant un mode de gouvernement démocratique consacrant la souveraineté populaire, qui n’est pas une nouveauté importée d’occident pour les libyens mais une pratique ancestrale des villages et des oasis libyen depuis la nuit des temps.
Les pays occidentaux qui ont eu la lucidité et le courage de réagir à temps et de mettre fin à un régime et une idéologie destructrice de son peuple devraient maintenir une vigilance nécessaire pour éviter le greffage d’un pouvoir qui serait tenté de repartir vers l’aventure.
Dans ces temps d’interrogation, aider à la construction d’une Libye libyenne serait l’aboutissement d’un acte juste, courageux et exemplaire de part de la communauté internationale.
Aumer U Lamara
Physicien.