Celui pour qui la vie politique est scindée entre des anges et des démons n’a rien compris à la politique moderne dans un état démocratique.
Le chef du gouvernement (Marocain) ne semble pas avoir assimilé qu’il a des responsabilités gouvernementales et qu’il est en position de pouvoir. Il continue de se présenter sous les habits de la victime, alors qu’il occupe, avec ses collaborateurs, la position de décideur. L’image est encore ambigüe, mais ne manquera pas de s’éclaircir avec le temps.
Selon cette logique à contre sens, le chef du gouvernement ne cesse de désigner ses ennemis politiques de «laïcards » les traitant d’ « alliés du Satan » comme si la laïcité est une insulte. Comme si le parcours politique du chef du gouvernement a toujours été sous les auspices des anges, lui qui n’a cessé d’insulter la rue marocaine jusqu’à son arrivée au pouvoir, les mains dans celles du parti de l’Istiqlal. Comme si ce dernier parti, responsable de la majeure partie des catastrophes qui ont touché notre pays, compte soudain parmi les innocents les plus vertueux.
Nul doute que quelqu’un qui ne voit dans la vie politique moderne d’un état démocratique que des anges et des démons, ne parait pas y connaitre grand chose. C’est tout à fait compréhensible quand on sait que le chef du gouvernement ne vit ni dans un état démocratique, ni dans un univers politique moderne qui respecte l’humain.
On ne peut pas s’y tromper, le profil du chef de gouvernement actuel était prévisible depuis la manière dont a été élaborée la nouvelle constitution. Il est voulu de lui qu’il soit obligeant à l’égard des us du makhzen, populiste s’adressant au peuple et docile face à la cour, rognant toutes ses promesse et commode face au pouvoir. Toutes ces caractéristiques qu’il ne cesse de démontrer depuis son installation à son poste. Fidel à lui-même, il a omis de réagir face aux dizaines d’attributions de postes dans la fonction publique qui se sont faits, sans qu’il ait son mot à dire, de même pour les nominations des conseillers, alors qu’autrefois il n’avait de cesse de dénoncer ce genre de pratiques avec une extrême virulence. Dans le gouvernement qu’il est sensé avoir choisi, plusieurs choix de personnes, que ce soit parmi les ministres ou les conseillers, ont été faits sans qu’il ait à protester. Des dizaines de technocrates se retrouvent dans les postes vitaux, dont certains sont rejetés par la rue. Un gouvernement de l’ombre se retrouve alors à s’accaparer l’essentiel du pouvoir et des centres de décisions. Tout ceci n’a pas suffit à réveiller monsieur le premier ministre qui continue à batailler contre les moulins à vent et les mirages. Aujourd’hui il se découvre un nouvel ennemi qui serait les laïques, alliés du démon selon lui. Qui sont t’il donc ses laïques démoniaques dont se plaint le chef du gouvernement ? Et que veulent-ils ?
Les laïques luttent pour l’instauration d’un état de droit dans lequel nul ne peut se mettre au dessus de la loi et refusent tout usage de la religion en politique qui viserait la consécration du despotisme et la sacralisation des personnes. La religion ne doit pas servir de moyen pour servir des intérêts politiciens, la politique doit être régie par la raison et des lois susceptibles d’être modifiées suivant les intérêts de l’Homme et les changements divers. La religion est une affaire de choix personnel et l’état à le devoir de protéger la liberté de culte et garantir les conditions de sa pratique. Pour les laïques, la liberté est la valeur la plus noble qu’à l’humanité et la base de tout système démocratique. Ils voient dans la liberté de création et d’expression sans entraves le moteur de l’histoire et le fondement des civilisations les plus avancées. Ils insistent sur l’égalité totale entre l’homme et la femme sans réserves, vu que les deux sont égaux en humanité avant toute autre considération. Ils refusent que quiconque impose une tutelle religieuse ou morale sur l’ensemble de la société, vu que les citoyens sont tous capables de faire leurs jugements et leurs choix librement sans avoir à subir un model de religiosité imposé par d’autres. Les laïques considèrent la science et le rationalisme scientifique comme le socle de la civilisation moderne, aussi, ils voient dans l’art et les expressions artistiques le reflet de l’essence de l’homme, ils ne doivent dont obéir à aucune consignation. Ce sont donc là les laïques qui seraient les alliés du diable.
Sur l’autre rive, les islamistes, ces anges purs et vertueux, ceux qui appellent de leurs vœux à l’instauration d’un régime théocratique soumis aux lois de la charia telles qu’elles ont été interprétées par des théologiens voici plus de mille ans. Un régime qui couperait les têtes, les bras et les pieds ; qui instaurerait la lapidation et dans lequel d’obéissance au prince, même injuste est un devoir. Un régime qui cloîtrerait la vie sociale avec une infinité d’interdictions, qui prohiberait la musique, la danse, la mixité et toute manifestation de joie. Un système qui instaurerait la discrimination entre les membres de la société selon leurs croyances et proscrirait la liberté de conscience. Cet état instaurerait l’infériorité de la femme par rapport à l’homme dans ses capacités physiques et intellectuelles. Selon la logique des islamistes, la raison humaine est défaillante, les savoirs et les sciences humaines sont sans intérêt dans l’au-delà, seules les fatwas de certains théologiens seraient intrépides, comme celle faite dernièrement qui autorisent nécrophilie.
Voici donc, les laïques diaboliques et les islamistes angéliques. Alors que les premiers œuvrent à ce que la dignité de l’homme soit au dessus de tout, les seconds essayent d’imposer la religion comme telle qu’elle a été interprétée par des théologiens depuis de nombreux siècles et dans une société différente de la notre.
Alors qu’au ciel, il n’y a pas assez de place et pour les anges et pour les diables, dans la société moderne il y’en a pour tous, à la seul condition du respect de la démocratie dans son sens universel.
Traduit de l'arabe d’un article d’Ahmed ASSID par Mohamed Ouchtaine