"De l’importance de présenter des scénarios pour sauver le Congrès et en finir avec les règlements de comptes."
J’ai suivi les communiqués, déclarations et les différents textes publiés autour du Congrès mondial amazigh. Alors même que je suis membre du Conseil fédéral et du Comité préparatoire des cinquièmes assises, j’avais décidé en l’absence de conditions favorables au débat de ne pas prendre part à cette polémique. J’avais décidé de garder mes opinions jusqu’au Congrès prévu à Tizi Ouzou, la capitale incontestable des Imazighen.
Mais l’implication de certaines personnes éloignées du Comité préparatoire du Congrès et connues pour leurs relations étroites avec les autorités officielles et leur soutien au « Mouvement pour tous les démocrates » concernant les affaires du Congrès ainsi que leurs déclarations au journal al-Masa le 29 septembre 2008 m’obligent à réagir. Ces personnes ont déclaré que « les autorités de Meknès ont mis au service des congressistes toutes les facilités garantissant la réussite du Congrès. Les hôtels ont été réservés sans aucun problème ainsi que la salle du réunion ». En tant que membre du Comité préparatoire dudit congrès qui aura lieu à Tizi Ouzzou en Algérie, sujet de l’interview, j’ai été convaincu que Lounès Belkacem et son clan faisaient participer des personnes éloignées du Congrès alors même qu’ils marginalisaient les membres du Conseil fédéral. La preuve en est que personne n’est au courant de l’évolution des préparatifs.
Pour toutes ces raisons je me suis trouvé dans l’obligation de prendre position et de mettre au débat quelques points. Même si je respecte les instances de notre organisation et suis conscient que le seul espace pour débattre des problèmes ne peut être que l’Assemblée générale du Congrès lui-même, les dernières évolutions et les déclarations bizarres de Zzirari à la chaîne al-Jazira, me conduisent à exprimer mon point de vue et donner quelques éclaircissements en tant que membre du Conseil fédéral, et ce pour le bien de l’opinion publique.
Premièrement, j’insiste sur le fait que toutes les dernières déclarations au sujet du Congrès sont loin de traiter les problèmes de fond dont souffre le Congrès mondial amazigh qui ne sont pas liés au lieu de la tenue des 5èmes assises mais plutôt à une véritable crise interne qui nécessite la tenue d’un Congrès pour bien définir les responsabilités. En revanche, même si le lieu du 5ème congrès me semble être un problème secondaire, il est même inventé et superficiel. Quelques données prouvent l’existence d’une volonté cachée qui vise à éloigner les 5èmes assises de la capitale des Imazighen, Tizi-Ouzou, dans le but de les rapprocher de personnes inconnues.
Lors de la clôture du 4ème Congrès de Nador, les congressistes avaient décidé à l’unanimité l’organisation du prochain congrès à Tizi-Ouzou. Même si Lounès Belkacem et son clan cherchent à remettre en cause cette option à chaque occasion, le Conseil fédéral, par respect à la décision du Nador, maintient toujours le choix de Tizi-Ouzou. Le seul élément nouveau sur ce sujet réside dans l’idée de monsieur Ou Talat, représentant de l’association Tamaynut, qui propose la ville d’Agadir au cas où la possibilité de l’organiser en Kabylie s’avèrerait impossible. De ce fait, les membres du Conseil maintiennent leur attachement à Tizi-Ouzou comme lieu du 5ème congrès. Ils s’engagent, comme cela a été le cas à Nador à être présents les jours prévus devant la salle qui sera choisie à Tizi-Ouzou, cela avec ou sans autorisation. Sinon Agadir reste la seule proposition alternative le cas échéant. En fait, il s’est avéré juste après Nador que le Conseil fédéral ne contrôlait plus l’évolution de la tenue du 5ème Congrès. Lounès et son clan sont parvenus à marginaliser tous les membres du Conseil qui défendaient l’indépendance de leur organisation. En ce sens, le président est seul à prendre des décisions sans consultation aucune des autres membres. Ces derniers sont les derniers informés par internet. Plusieurs activités ont déjà été organisées au Maroc au nom du Congrès sans même que ses membres n’aient été mis au courant. Malgré toutes ces actions illégales, nous avons toujours évité l’affrontement afin de préserver l’unité de notre organisation. Mais la réalité est qu’au moment où nous dénonçons la marginalisation des Imazighen par les Etats d’Afrique du nord, nous nous retrouvons marginalisés par nos frères amazighs au sein d’une organisation dans laquelle nous assumons des responsabilités. Ces problèmes s’accumulent jusqu’à l’état actuel où Lounès Belkacem ne prend plus en considération l’avis de personne.
La situation a commencé à s’aggraver depuis la visite de Lounès Belkacem à Tanger où il a déclaré la possibilité d’organiser les 5èmes congrès dans cette ville. Après la protestation de quelques militants non membres du Conseil fédéral, il a déclaré, suite à un vote effectué par Internet, que les 5èmes assises du Congrès mondial amazigh auront lieu à Meknès, alors même que cette ville n’avait jamais présenté sa candidature.
Avant de donner mes conclusions, j’entends ainsi discuter de quelques problèmes dont souffre le Congrès mondial amazigh. Nul besoin d’aller loin pour recenser tous les problèmes. Je me contenterai juste de traiter ce qui a été enregistré dans le rapport de la réunion du Conseil fédéral de Meknès :
1. Belkacem et son clan rendent visitent à plusieurs associations non membres du CMA qu’elles soient au Maroc ou en Algérie et refusent les invitations des associations membres. Ils n’hésitent pas à consulter des gens éloignés du CMA, et quelques fois exclus des associations amazighes, sans demander l’avis des membres du Conseil fédéral.
2. Quelques membres du Conseil fédéral voyagent secrètement en mission à l’étranger et au nom du CMA. Jusqu’à nos jours les autres membres ne reçoivent aucun rapport sur ces missions.
3. Lors de la réunion de Meknès, il a été décidé que chaque membre du Conseil fédéral présente son rapport personnel sur ses propres activités faites au nom du CMA. L’un des membres d’une association du réseau Amyafa déclare qu’il est chargé de suivre le dossier des détenus du Mouvement culturel amazigh et qu’il n’a de cesse de les soutenir. Quelques membres du Conseil l’ont contredit en expliquant qu’il n’avait été présent à aucun des rassemblements organisés à propos de cette affaire, à savoir, aux deux rassemblements organisés à Errachidia, à celui de Goulmima, à celui tenu devant le tribunal de Ouarzazate, à celui de Tinghir et celui de Boumal n Dadès, et enfin à deux autres tenu devant le tribunal de Meknès.
4. Tout le monde est au courant des attaques farouches menées par les panarabistes de Ouarzazate contre les militants amazighs de la Coordination Aït Ghighouch. En revanche, Lounès Belkacem en se rendant à Ouarzazate, plutôt que de donner la subvention aux militants Aït Ghighouch, a donné une somme de 5000 dirhams aux panarabistes comme soutien de sa part aux détenus de Boumal n Dadès.
5. Quelques étudiants détenus à Meknès confirment effectivement qu’ils ont reçu, au nom du CMA, une petite somme d’argent de la part de Zzirari, mais ce dernier refuse de déclarer la somme donnée.
6. Lounès Belkacem, autour d’un dîner qui a suivi la réunion de Meknès a promis d’accueillir les parents des détenus en France pour préparer leur dossier en vue des les présenter à Vienne. Personnellement, je me suis engagé à faire la coordination entre eux, mais ses promesses se sont avérées n’être que des paroles en l’air.
7. Dans l’un de ses rapports, Belkacem a noté qu’il avait organisé des réunions avec les associations du sud-est. Il s’est avéré qu’il n’a jamais rencontré le moindre militant de cette région. La preuve est que moi-même en tant que secrétaire général de la Coordination Mouloud Mammeri du sud-est, Zayed Tayer de la section de Tamaynut de Tinghir et son coordinateur, Idriss Fakher de l’association Tawalt et son trésorier, n’avons jamais été invité à ces réunions. Je me demande alors quelles sont les associations que Lounès a bien pu rencontrer.
8. Lounès Belkacem refuse de donner un rapport financier et ne fournit aucun éclaircissement sur les subventions que le CMA reçoit.
Il s’agit en fait de quelques fraudes enregistrées durant la période qui a suivi la réunion du Conseil fédéral du février 2008 sans chercher à remonter plus loin. L’irresponsabilité demeure ainsi un aspect dominant au sein de CMA.
La conclusion principale de ce qui précède est que la stratégie visant à s’écarter de Tizi-Ouzou ne cherche qu’à s’affranchir de tout contrôle. Dans ce sens, organiser les 5èmes assises dans un endroit qui n’a pas été retenu par les instances du CMA lui permettra de pousser une grande partie des membres et associations vers l’abstention pour lui laisser le terrain libre et faire passer ses plans arrêtés en coulisses en partenariat avec les gens de Tanger.
Nous constatons que les règles démocratiques qu’on a mises en place pour notre organisation à Las Palmas et consolidé à Nador disparaissent devant nos yeux et que nous nous contentons de publier des communiqués. La lutte pour ne pas makhzéniser le CMA ne relève pas seulement de la responsabilité des membres du Bureau national ou du Conseil fédéral mais est un devoir pour tous les militants du mouvement amazigh. Il ne suffit pas de publier des communiqués et de laisser le champ libre aux artisans du plan de Meknès pour arriver à ses objectifs. Après l’enterrement de la Coordination Tada, le jeu avec les sentiments des parents des détenus, c’est au tour du CMA à être domestiqué par le Makhzen.
Le problème dépasse donc largement un simple conflit autour du lieu de l’organisation des 5èmes assises. Le vrai problème réside dans la volonté de manipuler le CMA. Personnellement, je vois que ce n’est pas seulement les membres du Conseil fédéral qui subissent la marginalisation mais tous les militants, et sans exception, du mouvement amazigh. C’est une stratégie établie dans les coulisses par des gens qui cherchent à contrôler l’avenir au CMA.
Dans l’état actuel, on peut esquisser plusieurs scénarios :
1. Laisser l’occasion à ces gens d’arriver à leur objectif. Après avoir mené Tada à l’échec et l’avoir remplacé par des Coordinations régionales, après la non-tenue des promesses données aux familles des détenus, le mouvement amazigh continuera son combat et organisera un meeting le 7 octobre 2008 devant la Wilaya de Meknès.
2. Le Comité préparatoire du Congrès à Tizi-Ouzou doit poursuivre ses préparatifs. En même temps que des meetings de protestation doivent se tenir à Meknès, il faut se mettre à table pour régler tous ces problèmes une fois pour toute et mettre le CMA sur les bons rails pour le tirer des mains du Makhzen.
Certes, plusieurs stratégies s’imposent mais le plus important est de ne pas rester sans rien faire.
Lounès Belkacem et son clan ont déclaré que l’insécurité à Tizi-Ouzou les poussait à ne pas organiser ce congrès en Kabylie. Mais paradoxalement, lui-même n’arrête pas de se rendre en Kabylie sur les frais du Congrès mondial amazigh sans que cela lui pose problème à moins qu’il bénéficie d’une protection spéciale que les autres congressistes n’ont pas. Au sein du mouvement amazigh, nous disons toujours que le manque de sécurité à Tamazgha est une pure invention des régimes de la région et que Imazighen n’ont rien à faire avec le terrorisme. La décision d’organiser le Congrès à Tizi-Ouzou est aussi un appel aux régimes de la région pour qu’ils stoppent ces mythes et qu’ils s’engagent sur la voie de la démocratie. Comme disent les philosophes, une société en guerre prépare la paix alors qu’une société en paix mais faible prépare la guerre.
Addi Lihi
Membre du Conseil fédéral du Congrès mondial amazigh et du Comité préparatoire du 5ème congrès
Fait à Goulmima – Sud-est – le 29-9-2008
Traduit de l’arabe par la rédaction de amazighnews.net