Au moment où le débat se déclenche actuellement autour d’une éventualité de supprimer l’enseignement de la langue amazighe, après l’absence de la langue amazighe dans le programme des matières à enseigner pour l’année scolaire 2010-2011 (article), nous proposons à nos lecteurs la partie concernant la question amazighe telle qu’elle a été traitée par le rapport de l’Etat marocain. (tirée du rapport du Maroc publié sur www.tamazgha.fr). Nous vous proposons également les observations du CERD au même sujet.
(Introduction Amazighnews)
« La question amazighe » dans le rapport de l’Etat marocain présenté au 77 ème session du CERD (Comité pour l’élimination de la discrimination raciale) à Genève du 2 au 27 août 2010 et les observations du CERD à ce sujet.
84. En réponse au paragraphe 18 des observations finales du Comité (CERD/C/62/CO/5) concernant le renforcement de l’intégration des Amazighs avec les autres composantes de la société, le Royaume du Maroc affirme que le peuple marocain est un seul et même peuple ayant une seule et même identité au sein de laquelle coexistent différents foyers culturels arabes, amazighs, andalous, africains, islamiques, chrétiens et juifs. C’est un pays qui vit l’unité dans le cadre de la diversité en tant que source d’enrichissement. Dans les veines de tous les Marocains coule à la fois le sang arabe et amazigh depuis des siècles. C’est un peuple qui est le fruit de plusieurs influences.
85. La politique suivie par le Maroc n’inscrit pas la question amazighe dans le cadre de la lutte contre la discrimination raciale, mais dans celui de la mise en œuvre du projet de société démocratique auquel le Maroc aspire, celui d’une société contemporaine fondée sur l’égalité, la solidarité sociale et la loyauté à l’égard des principales composantes culturelles de la nation marocaine. Cette politique glorifie la culture amazighe en tant que composante essentielle de l’identité nationale et culturelle marocaine. Ainsi, la préservation et la promotion de cette culture relèvent de la responsabilité nationale et ne constituent pas une question locale ou régionale.
86. Il serait faux d’assimiler la question de l’amazighité à une question ethnique ou raciale qui concerne un peuple autochtone du Maroc en particulier, car il s’agit, comme l’a déclaré Sa Majesté le Roi dans son discours d’Agadir, d’une culture «qui appartient à tous les Marocains, sans exception». Malgré la diversité de leurs origines, les Marocains forment un peuple unique dont les membres jouissent des mêmes droits et assument les mêmes devoirs. En outre, le Maroc note avec fierté qu’une grande partie de son peuple d’origine amazighe contribue avec une expérience et un professionnalisme notoires ainsi qu’un patriotisme authentique à la gestion des affaires du pays, et ce en exerçant leurs hautes fonctions de ministres, de secrétaires généraux et de premiers secrétaires de partis, de parlementaires, d’officiers supérieurs de l’armée et d’ambassadeurs, ou en assurant la gestion de l’économie et des entreprises nationales.
87. Dans cette perspective et afin de promouvoir la culture amazighe en tant que composante nationale, culturelle et sociale, une série de mesures à été adoptée, dont la plus importante est la création de l’Institut royal de la culture amazighe le 17 octobre 2001 qui constitue une étape importante dans la consécration des droits culturels et la promotion de la diversité au Maroc. L’Institut est chargé de mener des recherches approfondies sur la culture amazighe et de veiller à l’enrichissement de cette culture considérée comme l’une des composantes majeures de la culture et du patrimoine culturel nationaux. Il a notamment pour mission:
88. La création de l’Institut royal de la culture amazighe a immédiatement été suivie par l’adoption de l’alphabet tifinagh que l’Institut a mis au point et dont le nom est désormais associé à l’organisation «Tifinagh Irkam». Le Maroc a ainsi réglé de manière pratique le problème de la transcription de l’amazigh en choisissant son alphabet naturel qui désormais fait partie des alphabets informatisés. En effet, l’Organisation internationale de normalisation, ISO/UNICODE, a approuvé l’intégration des signes tifinaghs dans le Plan multilingue de base de l’Organisation.
89. Afin d’intégrer la langue et la culture amazighes dans les programmes d’enseignement et les cursus, l’Institut royal de la culture amazighe et le Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la formation des cadres ont signé une convention de partenariat qui prévoit la mise en place d’une commission mixte de coordination, de suivi et d’évaluation. En application de cette convention, l’enseignement de l’amazigh a commencé au début de l’année scolaire 2003/04 dans près de 5 % des établissements scolaires, étant entendu que l’intégration se poursuivrait progressivement jusqu’à sa généralisation de façon verticale et horizontale. Ainsi, au cours de l’année 2006/07, lorsque l’intégration du programme dans l’enseignement primaire en sera à sa quatrième année, l’amazigh sera enseigné dans 30 % des établissements scolaires.
90. Depuis le milieu de l’automne 2003, la mise au point du matériel pédagogique pour l’enseignement de l’amazigh aux élèves de la première année primaire a été entamée par la production du cahier «Awal ino». Il s’agit de fiches pédagogiques assorties d’une cassette audio reprenant tous les textes figurant dans le cahier. À la mi-avril de l’année scolaire 2003/04 est paru le premier manuel scolaire pour l’enseignement de l’amazigh dans les établissements publics. Ce manuel constitue le premier d’une série intitulée Tifaouine tamazight comprenant un livre de l’élève et un livre du maître. Quatre niveaux sont parus jusqu’à présent. En parallèle, l’Institut royal de la culture amazighe a produit une importante série de matières pédagogiques nécessaires pour une exploitation efficace des manuels. En ce qui concerne les études supérieures, l’enseignement de l’amazigh fait l’objet d’un mastère à la faculté des lettres d’Agadir depuis l’année scolaire 2006/07.
91. Afin d’assurer l’intégration de l’amazigh dans l’espace médiatique, l’Institut royal de la culture amazighe a élaboré, en partenariat avec le Ministère de la communication, une stratégie d’accompagnement de l’intégration de l’amazigh dans le tissu médiatique et en particulier dans l’espace audiovisuel.
92. Pour garantir la protection de l’identité amazighe et donner suite aux observations du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale au sujet de l’inscription des prénoms amazighs dans les registres de l’état civil, les services compétents des localités et des provinces acceptent désormais d’inscrire ces prénoms. En cas de litige, l’affaire est soumise à la Haute Commission de l’état civil qui a reçu plusieurs demandes d’inscription de prénoms d’origine amazighe qu’elle a examinés à la lumière des textes législatif régissant les questions relatives à l’état civil et en tenant compte d’un principe essentiel selon lequel le prénom choisi doit présenter un caractère marocain. Dans le cadre de la reconnaissance de la diversité caractérisant l’identité de la société marocaine et du multiculturalisme marocain, la Haute Commission a approuvé plusieurs prénoms amazighs, dont les suivants: Amazigh, Amlal, Aws, Idir, Tasnim, Tudala, Tifawt, Masinissa et Numidia.
11. Le Comité prend note des renseignements fournis par l’Etat partie sur les mesures prises pour promouvoir la langue et la culture amazighes, notamment son enseignement, ainsi que le renforcement des capacités de l’Institut royal de la culture amazighe. Le Comité est cependant préoccupé par le fait que la langue amazighe n’est pas toujours reconnue comme langue officielle par la constitution de l’Etat partie, et de ce que certains amazighs continuent d’être victimes de discrimination raciale, notamment dans l’accès à l’emploi et aux services de santé, surtout lorsqu’ils ne s’expriment pas en arabe (art. 5).
Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts de promotion de la langue et de la culture amazighes, notamment par son enseignement, et de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que des amazighs ne soient victimes d’aucune forme de discrimination raciale, notamment dans l’accès à l’emploi et aux services de santé. Il encourage également l’Etat partie à envisager l’inscription dans sa constitution de la langue amazigh comme langue officielle et à assurer également l’alphabétisation des amazighs dans cette langue. Le Comité recommande enfin à l’Etat partie, dans le cadre de la Commission consultative de Régionalisation, de mettre un accent particulier sur le développement des régions habitées par les amazighs.
12. Le Comité s’interroge sur la signification et la portée de la notion de « prénom à caractère marocain » prévue à l’article 21 de la Loi No. 37-99 de 2002 relative à l’état civil et dont l’application par des officiers d’état civil continue d’empêcher l’enregistrement de certains prénoms, en particulier amazighs (art. 5).
Le Comité recommande à l’État partie de clarifier la signification et la portée dans sa législation de la notion de « prénom à caractère marocain » et de garantir pleinement l’application par les officiers d’état civil de la circulaire du Ministère de CERD/C/MAR/CO/17-18 4 l’intérieur de mars 2010 relative aux choix des prénoms, afin d’assurer pour tous l’inscription de prénoms, en particulier des prénoms amazighs.